L'évaluation par les pairs en enseignement supérieur

Article

Landry, A., Jacobs, S., et Newton, G. (2015). Effective use of peer assessment in a graduate level writing assignment: A case study. International Journal of Higher Education, 4(1), 38-51. https://doi.org/10.5430/ijhe.v4n1p38

Résumé

Landry, Shoshanah et Newton mentionnent que parmi les principaux avantages de cette pratique évaluative se retrouvent les apprentissages réalisés par les étudiants, l’amélioration de leurs résultats ainsi que le temps minimal investi par le professeur permettant ces bénéfices. Par contre, l’une des préoccupations fréquentes liées à l’évaluation par les pairs est leur capacité à évaluer de façon juste leurs collègues. Les auteurs ont également constaté que peu d’études se sont penchées sur l’évaluation par les pairs chez les étudiants des cycles supérieurs.

Les buts de leur recherche étaient les suivants :

  1. Mieux connaître les perceptions des étudiants gradués à l’égard d’une activité d’évaluation par les pairs d’un travail écrit ;
  2. Déterminer si les étudiants sont en mesure d’attribuer une note juste et fiable, en l’occurrence, qui concorde avec celle de l’enseignant évaluateur ;
  3. Déterminer si l’évaluation par les pairs permet d’améliorer la qualité des travaux remis (résultat supérieur), notamment par les changements apportés suite aux rétroactions émises par leurs collègues.

Les sujets qui ont fait partie de cette étude les étudiants de 2e et 3e cycles dans un des programmes en nutrition de l’Université de Guelph. Ces derniers avaient à rédiger la critique de cinq à huit articles scientifiques, notamment quant aux forces et aux faiblesses des différentes recherches consultées, avec une attention particulière portée à la méthodologie utilisée dans chacune ainsi qu’aux différences méthodologiques. Les étudiants avaient également à faire des liens entre les éléments des résultats des recherches ciblées.

Les étudiants soumettaient une première version de leur travail à l’aide d’une plateforme d’évaluation par les pairs (PEAR – Peer Evaluation Assessment and Review) qui gère les aspects logistiques de l’évaluation, attribuant de façon anonyme les travaux entre les étudiants, intègre la grille d’évaluation proposée, compile les résultats attribués et tient un registre des activités. Chaque étudiant avait à évaluer le travail de deux de ses collègues, à attribuer une note sur 100 et à émettre une rétroaction écrite selon trois catégories : commentaires positifs, corrections à apporter selon les critères de la grille d’évaluation et suggestions d’amélioration. Les étudiants recevaient ensuite les évaluations et rétroactions de leurs collègues de façon anonyme et avaient trois semaines pour apporter des corrections et soumettre leur version finale à l’enseignant.

Avant de soumettre leur première version et d’évaluer leurs pairs, les étudiants avaient bénéficié d’une formation où leur était rappelé des stratégies d’écriture efficaces pour la rédaction critique, ils s’étaient approprié la grille d’évaluation, avaient reçu des indications sur la rétroaction constructive et efficace et s’étaient pratiqué en équipes à évaluer des travaux similaires.

Un questionnaire en ligne visant à mieux comprendre l’appréciation des étudiants de leur expérience d’évaluation par les pairs leur a été proposé. Le questionnaire comportait 24 questions sur une échelle de type Likert à 5 niveaux, et 9 questions ouvertes. Au total, 44 étudiants ont rempli le questionnaire sur une possibilité de 70 étudiants inscrits aux programmes, ce qui représente un taux de participation de 62,9 %. De ces 44 répondants, 90 % étudient au 2e cycle.

Afin de déterminer la justesse des notes accordées par les étudiants à leurs pairs, on a comparé ces dernières à celle attribuée par le professeur au premier jet soumis. Et finalement, afin de déterminer si les étudiants avaient amélioré leurs résultats suite à l’activité d’évaluation par les pairs, les chercheurs ont comparé le résultat attribué par le professeur à la première version et celui accordé à la version finale.

Les résultats indiquent que les perceptions des étudiants à l’égard de l’activité d’évaluation par leurs pairs se sont avérées très positives, notamment puisqu’elle leur a permis d’améliorer leur travail avant de soumettre la version finale. Les étudiants considèrent qu’ils ont réalisé des apprentissages et que cet exercice leur a permis d’améliorer leur esprit critique et leur capacité à s’autoévaluer.

Il n’y a pas eu non plus de différence significative entre les résultats attribués par les étudiants et le professeur, ce qui permet de penser que les étudiants sont en mesure d’évaluer de façon juste leurs collègues, bien que les données semblent démontrer que plus d’un étudiant évaluateur doit réviser le travail de collègues. Finalement, les étudiants ont amélioré leur résultat entre la première version et la version finale de 3,4 % et que les améliorations apportées étaient directement associées aux commentaires émis par leurs collègues.

Cette étude indique que l’évaluation par les pairs de travaux écrits est une avenue fort intéressante aux cycles supérieurs puisque les étudiants sont en mesure d’évaluer leurs collègues de façon juste, de réaliser des apprentissages importants et d’améliorer leurs propres résultats. Landry, Jacobs et Newton rappellent toutefois l’importance de bien structurer ce type d’activité d’évaluation afin de s’assurer d’en tirer les bénéfices souhaités. La promotion d’un climat de confiance, l’évaluation par plus d’un pair et du professeur, l’utilisation d’une grille d’évaluation claire et comprise par les étudiants, un entrainement préalable, des exemples de commentaires positifs et constructifs à émettre à leurs collègues sont des pratiques à mettre en place pour une évaluation par les pairs bénéfiques pour tous. 

Notice biographique

Notice-bio_C.BoucherŒuvrant dans le monde de l’éducation depuis plus de 25 ans, Claude Boucher est conseillère en pédagogie universitaire et chargée de cours en sciences de l’éducation à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT) depuis 2007. Ses champs d’intérêt portent notamment sur l’évaluation des apprentissages, la scénarisation pédagogique, la pratique réflexive et le partage d’expertise.

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