Au delà de sa tâche d'enseignement, l'enseignant fait également face à diverses situations interpersonnelles dans lesquelles il n'est pas toujours évident de savoir s'il faut intervenir et le cas échéant comment il doit intervenir. Le présent tableau suggère des pistes pour permettre à l'enseignant de fournir à ses étudiants en situation de travaux d'équipe, les outils nécessaires pour gérer les situations qui pourraient devenir conflictuelles.
Mise en situation
Jacinthe enseigne aux étudiants du premier cycle en travail social. En début de session, elle demande aux étudiants de former aléatoirement des équipes pour monter un projet qui sera présenté à un organisme.
Jacinthe est surprise de voir apparaître différents conflits dès la création des équipes et tout au long des travaux. Des étudiants vont même jusqu’à effectuer seuls le travail à faire en équipe.
Jacinthe se sent interpellée quant à son implication dans les conflits interpersonnels vécus dans les équipes de travail. Dernièrement, elle a réussi à faire changer d’idée deux membres d’une équipe de travail qui étaient venues la voir pour lui annoncer qu’elles ne voulaient plus que la troisième membre de l’équipe fasse la présentation avec elles.
Elle leur a fait comprendre qu’elles sont responsables de leur propre conflit et que le but commun de tout travail d’équipe est de reconnaître et mettre à contribution les forces et les apports spécifiques de chacun. C’est cet apprentissage qu’elles doivent faire pour arriver à accomplir leurs tâches et obtenir des résultats. Sans réciprocité, solidarité et coopération, cet apprentissage n’aura pas lieu.
Le conflit s’est transformé en coopération et le résultat de leur travail d’équipe fut très intéressant.
Pourquoi?
CINQ RAISONS POUR ENCADRER LES CONFLITS INHÉRENTS AU TRAVAIL D’ÉQUIPE
- L’équipe est un milieu d’apprentissage et le conflit une opportunité pour apprendre la collaboration.
- L’équipe est un milieu de travail. « Chaque milieu de travail est une communauté où nous pouvons développer une qualité de vie ». Consultation communautaire qui a eu lieu à Amos en Abitibi le 4 juin 2008
- Le travail d’équipe présente des défis et amène une dynamique relationnelle favorable à la connaissance de soi et à l’apprentissage de la vie en société.
- La dynamique relationnelle dans l’équipe permet d’avoir une richesse de points de vue différents sur une même situation ou un même phénomène. On peut ainsi mieux prendre en compte la complexité de la situation ou du phénomène.
- Le travail en équipe entre les étudiants constitue souvent une première insertion concrète dans le milieu de l’exercice de la future profession. La capacité à travailler en équipe est recherchée dans la plupart des professions. (Rodgers, Caroline 2010)
Quoi?
L’ÉQUIPE DE TRAVAIL EST UNE COMMUNAUTÉ D’APPRENTISSAGE
Le travail en équipe implique une dynamique relationnelle qui facilite l’apprentissage (Dubé, Dominique, 2005). C’est pourquoi il est essentiel d’axer le travail à faire sur l’apprentissage en tant que processus et non seulement sur la production de résultats. Ce qui en découle alors est un travail collectif qui n’est pas la somme de travaux individuels.
L’équipe, pour apprendre en tant que groupe, construit sa propre compréhension de ce qui se passe en son sein comme une perspective qui lui est propre. Cette compréhension du groupe est à situer aussi comme un travail à réaliser Il importe donc de l’évaluer. Le travail d’équipe permet ainsi d’explorer une réalité propre aux milieux de travail. Le but de l’apprentissage est cet acte individuel de compréhension, mais aussi cet acte collectif de discernement, auquel nous ne sommes pas habitués. Il y a ainsi un équilibre à bâtir entre l’acte individuel et l’acte collectif.
Le conflit pose ce qui doit être appris (savoir-faire, savoir-être, savoir-vivre), donc compris, il est l’obstacle qui se dresse sur le chemin des relations entre les membres d’une équipe. Il ne doit pas être esquivé, mais il doit être transformé en outil d’apprentissage. Comprendre le conflit permet de ne pas réduire le travail en équipe à une seule de ses facettes : la production des résultats. De cette façon, on n’isole plus le travail à faire (la tâche) du contexte relationnel (l’équipe) et on construit ensemble ce qui est significatif comme connaissance de ce qui est en jeu dans la situation conflictuelle.
Ce que nous dit la recherche
LE PROCESSUS D’AUTORÉGULATION EST AU CŒUR DE LA NAISSANCE ET DE LA SURVIE D’UNE ÉQUIPE DE TRAVAIL ET PERMET DE GARDER L’ÉQUILIBRE ENTRE LE PROCESSUS DE PRODUCTION AXÉ SUR LES TÂCHES ET LE PROCESSUS DE SOLIDARITÉ AXÉ SUR LES RELATIONS.
(MOTOI ET VILLENEUVE, 2009, P.40)
Références
Dubé, Dominique. (2005) Les travaux en équipe. Centre d’aide aux étudiants. Université Laval.
Motoi, Ina et Louise Villeneuve (2009, 2016). Résolution de conflits dans le travail d’équipe. Québec, PUQ.
Rodgers, Caroline (2010) Dix qualités recherchées des employeurs. La Presse.
Pour en savoir plus
- En collaboration avec l’équipe de pédagogie universitaire de l’UQAT un Guide d’accompagnement des enseignants et enseignantes sur la facilitation de la résolution de conflits en équipe.
- Conjointement avec Louise Villeneuve et R. Hébert, un chapitre sur la Gestion des conflits dans les équipes d’étudiants dans Accompagner des étudiants. Quels rôles pour l’enseignant? Quels dispositifs? Quelles mises en oeuvre?
- Jules Richard, maître d’enseignement à l’ÉTS propose diverses ressources pédagogiques sur la résolution des conflits dans le travail en équipe.
- Dans sa rubrique « apprentissage et réussite », le Centre d’aide aux étudiants de l’Université Laval propose des stratégies d’apprentissage concernant les travaux d’équipe.
- Suggestions de lecture :
- Astolfi, Jean-Pierre. (2006). L’erreur, un outil pour enseigner. Paris : ESF. Grenoble : PUG.
- Cormier, Solange. (2004). Dénouer les conflits relationnels en milieu de travail. Québec : PUQ.
- Darnon, Céline, F. Butera et G. Mugny. (2008). Des conflits pour apprendre. Grenoble : PUG
- Labelle, Ghislaine. (2005). Comment désamorcer les conflits au travail. Longueuil : Transcontinental et Fondation l’entrepreunership
D'autres questions à explorer
- Comment développer chez les étudiants une réflexion critique sur le fonctionnement en équipe?
- Quels sont les différents conflits et leurs conséquences sur le travail en équipe?
Notice biographique
Ina Motoi est professeure en travail social à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT) et responsable de la maîtrise en travail social et du microprogramme de 1er cycle en résolution de conflit.
Mentions de responsabilité
Cette capsule est une production de la Direction du soutien aux études et des bibliothèques (DSEB) en collaboration avec le Groupe d’intervention et d’innovation pédagogique (GRIIP)
Comité éditorial : François Guillemette, Céline Leblanc, Caroline Lessard, Marie-Michèle Lemieux et Lucie Charbonneau
Coordination : Marie-Michèle Lemieux
Rédaction : Ina Motoi
Correction : Isabelle Brochu
Comment?
ENCADRER, OUTILLlER, FACILITER ET NON PAS RÉSOUDRE LE CONFLIT
D’abord, il faut déterminer à qui appartient le conflit
Le conflit appartient à ceux et à celles qui le vivent. C’est LEUR conflit. Ce n’est pas le conflit de l’enseignant. C’est aux étudiants, en tant que membres d’une équipe de travail, de le résoudre. C’est à eux de faire cet apprentissage de la communication et de la vie en équipe et de porter la responsabilité du conflit et de sa solution. Ici comme ailleurs, le rôle de l’enseignant en est un d’accompagnement et d’encadrement. Proposer des tâches intégratrices permettant aux étudiants d’exercer certaines compétences simultanément, dans un contexte d’apprentissage authentique et signifiant. En d’autres termes, mettre les apprenants en situation d’apprentissage authentique, près des situations liées à la pratique.
L’enseignant peut encadrer la résolution de conflit en précisant :
L’enseignant peut proposer divers outils pour la résolution de conflits :
L’enseignant a un rôle de faciliation dans la résolution des conflits :
Il met en perspective la situation conflictuelle, le processus d’apprentissage à faire, la compréhension des différents processus à l’œuvre dans l’équipe, des liens entre la théorie et la pratique, etc.Il n’est pas responsable de l’identification des solutions aux conflits présents dans les équipes en tant que :
Jouer l’un ou l’autre de ces rôles à la place des étudiants les empêcherait de prendre la responsabilité du conflit et d’acquérir ce savoir-vivre en équipe et ce savoir-faire pour résoudre des situations problématiques et des conflits dans le travail d’équipe.
Finalement...
En apprenant à poser un autre regard sur le conflit et sa résolution, en tant qu’enseignants, nous pouvons faciliter l’esprit de coopération et de solidarité dans l’équipe et dans le groupe-cours. Cela est un travail relationnel à faire. Ainsi, s’installe un climat propice à l’apprentissage. C’est ce dont vont se rappeler, avant tout, les étudiants de leurs années d’études.