En vidéo ou en présence pour les mathématiques?

Article 

Howard, E., Meehan, M. et Parnell, A. (2018). Live lectures or online videos: students’ resource choices in a first-year university mathematics module. International Journal of Mathematical Education in Science and Technology49(4), 530-553. https://doi.org/10.1080/0020739X.2017.1387943

Résumé

Cet article présente les résultats d’une étude ayant été réalisée auprès de 522 étudiants d’un cours de mathématiques pour les affaires (Maths for Business). Les étudiants ont eu le choix de suivre leur cours à partir de deux types de ressources : soit de courtes vidéos en ligne, soit des séances magistrales en classe. Ils pouvaient utiliser l’un ou l’autre de ces types de ressources, ou combiner les deux.

Quatre regroupements de comportements ont été dégagés de ces données :

(1) le recours à la fois aux vidéos et aux séances magistrales (n = 61)

(2) le recours exclusivement aux vidéos (n = 313)

(3) le recours exclusivement aux séances magistrales (n = 57)

(4) le recours soit aux vidéos, soit aux séances magistrales (en alternance) (n = 91)

Un total de 67 vidéos d’une durée moyenne de 7 minutes ont été diffusées dans ce cours, quelques jours avant la séance magistrale hebdomadaire.

On peut voir que c’est le groupe qui a eu recours aux vidéos exclusivement (regroupement 2) qui est de loin le plus nombreux, avec 313 étudiants. En comparant les moyennes des notes finales des quatre regroupements, c’est le regroupement 3 ayant assisté exclusivement aux séances magistrales qui a été le plus fort sur le plan académique (74,4 % de moyenne), suivi du regroupement 1 ayant eu recours aux deux types de ressources (72,5 %), du regroupement 4 qui a alterné entre les deux (66,1 %), puis du regroupement 2 qui n’a utilisé que les vidéos (64,9 %). Les étudiants les plus forts, pris sur une base individuelle, ont tendance à n’utiliser seulement qu’une ressource, à savoir exclusivement les vidéos ou exclusivement les séances magistrales.

Les étudiants ayant utilisé à la fois les vidéos et les séances magistrales (regroupement 1) ont souligné les apports respectifs de ces ressources. Majoritairement, ces étudiants assistaient aux séances magistrales en premier, puis utilisaient les vidéos comme rappel, pour s’aider à comprendre les éléments les plus difficiles, ou encore pour étoffer leurs notes de cours. Ils ont caractérisé les vidéos comme étant claires, concises, directes et aidantes. Ils ont apprécié les séances magistrales du fait qu’elles permettaient de poser des questions, d’interagir avec la professeure ou les étudiants, et de bénéficier d’exemples et de conseils supplémentaires.

Les étudiants ayant utilisé que les vidéos pour cheminer dans le cours (regroupement 2) ont indiqué que le format du vidéo permettait d’étudier au moment choisi et à leur propre rythme (qu’il soit plus lent ou plus rapide, notamment en pouvant mettre sur pause, reculer, rejouer la vidéo). Ces étudiants voyaient les vidéos comme étant un format plus souple et concis, plus efficient et moins répétitif. Un travail d’apprentissage était fait par certains d’entre eux : en appuyant sur pause, ils tentaient de formuler des questions ou résoudre le problème démontré avant d’avoir la réponse. Ces étudiants voyaient les éléments associés aux séances magistrales de façon négative : la grande taille des groupes, le rythme imposé, le fait de devoir poser des questions devant de nombreuses personnes, le fait de devoir se concentrer pendant de longues périodes. Certains ont toutefois exprimé le fait que les vidéos devraient être davantage en lien avec les tests hebdomadaires.

Les étudiants ayant assisté qu’aux séances magistrales (regroupement 3) ont fait valoir le fait que la classe permettait d’interagir avec la professeure ou les autres étudiants et d’obtenir des réponses à leurs questions. Ils ont eu l’impression qu’en assistant aux séances, ils devaient inévitablement travailler et apprendre, puis que l’ensemble de la matière prévue à l’examen allait être couverte. Le fait d’avoir une plage horaire bien précise à consacrer à leur cours était aidant selon eux. Ces étudiants percevaient les vidéos comme une ressource pour réviser la matière, pour pallier une difficulté, un oubli ou une absence.

Les étudiants ayant alterné entre les vidéos et les séances magistrales (regroupement 4) ont amorcé leur cours en présence, mais se sont rabattus éventuellement, pour la plupart, que sur les vidéos; ou encore, lorsqu’un étudiant n’assistait pas à un cours, il le reprenait par le biais de la vidéo. Ces étudiants ont eu des points de vue variés sur les vidéos, notamment qu’ils constituaient de bons rappels ou compléments aux séances magistrales, qu’ils étaient à toute fin pratique « parfaits », qu’ils permettaient de maximiser son temps, qu’ils pouvaient toutefois générer un sentiment de manque par rapport aux séances magistrales. Aucun étudiant n’a exprimé le fait qu’il tentait de résoudre des problèmes ou de prendre des notes pendant le visionnement des vidéos dans ce regroupement.

Appréciation et utilisation potentielle

La variété des préférences sur l’utilisation des vidéos ou des séances magistrales exprimées par les 161 étudiants ayant répondu au sondage de fin de trimestre nous rappelle à quel point il est important de varier ses types de ressources pédagogiques. L’usage de ces ressources a été fait en fonction d’une pluralité de raisons qui justifiaient parfois l’un, parfois l’autre type, selon les besoins de chacun. Le visionnement des vidéos n’a pas été effectué pour les mêmes raisons dans les trois regroupements d’étudiants où les auteurs ont observé leur utilisation. De la même façon, les conditions des séances magistrales plaisaient à certains étudiants, mais pas à d’autres. Les étudiants ont des besoins très diversifiés dans leur apprentissage; c’est ce que l’étude révèle pour l’enseignement des mathématiques, du moins.

Aussi, le fait que les étudiants du regroupement 3 n’ayant assisté qu’aux séances magistrales aient présenté une moyenne de près de 10 % plus élevée que celle des étudiants n’ayant utilisé que les vidéos pourrait être attribuable au fait que ces étudiants ont bénéficié d’un soutien supplémentaire en classe. Pour ce qui est de la formation entièrement à distance, nous pourrions penser, suivant les résultats de cette étude qui portait sur un mode hybride de formation, qu’il est important que l’accompagnement et le soutien des étudiants soit mis de l’avant afin de favoriser au maximum les apprentissages.

Notice biographique

Sophie Beaupré est spécialiste en sciences de l’éducation à l’Université TÉLUQ. Elle cumule plus d’une quinzaine d’années d’expérience dans le milieu de l’éducation. En 2014, elle reçoit un certificat d’excellence de l’Université TÉLUQ pour ses résultats obtenus en technologie éducative. Elle est co-auteure du Guide de conception et d’utilisation du manuel numérique universitaire (PUQ, 2013). Elle a collaboré au développement de cours universitaires s’étant vu décerner un prix (Prix de la ministre pour « Stratégie d’entreprise », TÉLUQ, 2011) et une reconnaissance (mention de l’Infothèque de l’Agence universitaire de la Francophonie pour « Travail intellectuel en philosophie », UQAM, 2005). Elle participe aux Lectures choisies du site Pédagogie universitaire depuis 2015.