Article
Leduc, D., Cambron-Goulet, M., Aubin, A.-S. et Raynault, A. (2022). La collaboration dans le travail en groupe en contexte d’examen collaboratif à l’université. Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur, 38(3). https://doi.org/10.4000/ripes.4290
Résumé
Se basant sur Mucchielli (2019), Leduc et al. (2022) expliquent que plusieurs personnes étudiantes ne collaborent pas vraiment dans les travaux d'équipe, mais se divisent plutôt les tâches (coordination), ce qui peut les empêcher d'avoir une vue d'ensemble de la tâche. Dans plusieurs cas, il a été observé que les problèmes liés à la collaboration surviennent lorsqu’elles ne sont pas préparées adéquatement à travailler ensemble.
D’abord, Leduc et al. (2022) définissent la collaboration en se rapportant au cadre de Bedwell (2012), ce qui permet de la distinguer de la coordination et de la coopération. La collaboration (ou travail d’équipe) correspond à un processus dans lequel deux personnes ou plus vont réaliser des activités conjointes pour atteindre une visée commune. La collaboration implique l’interdépendance entre les membres de l’équipe : chaque personne a besoin de l’apport de l’autre pour avancer dans ce processus et atteindre la visée commune. Ceci permet de différencier la collaboration de la coordination : cette dernière ne nécessite pas de réciprocité entre les membres. La tâche peut être accomplie simplement en répartissant le travail entre les personnes de l’équipe. Dans ce modèle, la coopération représente une prédisposition favorable (attitude) envers le travail collaboratif.
Leduc et al. (2022) exposent différentes causes pouvant mener à des conflits entre les membres d’une équipe lors de travaux collaboratifs. Entre autres, le manque de communication et l’absence d’une visée commune claire et explicite pourrait amener à des conflits. Par ailleurs, l'équipe doit être unie dans la planification et l'exécution des activités pour atteindre leur objectif commun. La réalisation d’activités préparatoires à la collaboration serait également une façon de réduire la prévalence de ces conflits, en permettant aux membres d’apprendre à se connaître.
La recherche de Leduc et al. (2022) vise à étudier la collaboration lors de la réalisation d’un examen collaboratif. Celui-ci était réalisé en classe par des équipes formées plus tôt dans le trimestre. Les personnes étudiantes ont participé à un atelier de 3 heures pour les préparer à la collaboration. Cet atelier visait à montrer la pertinence des travaux d’équipe, les responsabilités de chaque membre d’une équipe et des stratégies pour éviter les conflits. Lors de cette activité préparatoire à la collaboration, les personnes étudiantes ont aussi effectué un examen collaboratif fictif, afin de bien comprendre son déroulement et de discuter collectivement des différences entre les personnes qui parlent beaucoup et celles qui parlent peu lors de travaux collaboratifs.
L’étude s’est déroulée dans un cours de 1re année universitaire en éducation dans une université québécoise. La collecte de données s’est effectuée par l’observation de 23 équipes (107 étudiants et étudiantes) lors de la réalisation de l’examen (enregistrements audios des conversations) et d’un questionnaire de deux questions ouvertes permettant aux équipes de discuter de leur efficacité et de leur démarche de prise de décision.
Dans l’ensemble, les résultats montrent que les équipes ont bien travaillé et que les membres n’ont pas eu la perception de vivre des conflits lors de l’examen collaboratif. Bien que la littérature mentionne l’importance d’expliciter la visée commune que l’équipe doit atteindre, les équipes n’en ont pas explicitement discuté lors de l’examen. Leduc et al. (2022) avancent que cela pourrait être dû au fait que chaque membre assumait que les autres visaient à le réussir le mieux possible. Les équipes ont pris des décisions en recherchant un consensus, en votant, en discutant pour parvenir à un accord (élimination des idées moins efficaces), en faisant ressortir les possibilités puis en choisissant celle qui leur semble préférable. Néanmoins, deux équipes ont expliqué qu'il leur était difficile de structurer et de choisir la ou les meilleures idées.
Dans leur discussion, Leduc et al. (2022) suggèrent qu'une des raisons qui expliquent la cohésion des équipes est l'activité préparatoire qui visait à permettre aux membres de se connaître et à comprendre comment bien communiquer. Autrement dit, les équipes ont eu le temps de tisser des liens avant la réalisation de l'examen, ce qui a sûrement contribué à l'absence de problèmes. Les résultats de cette étude, montrant que les étudiants n'ont pas rencontré de problèmes lors de la collaboration, renforcent l’idée de les préparer à collaborer efficacement.
Appréciation et utilisation potentielle
Cet article apporte un éclairage intéressant sur les stratégies clés pour soutenir la collaboration pour éviter les conflits intraéquipes auprès de populations étudiantes postsecondaires. Bien que le développement d’habiletés de collaboration s’amorce dès le primaire, la littérature montre que plusieurs personnes étudiantes éprouvent des difficultés à collaborer. Il est donc essentiel de mieux les accompagner lors de travaux d’équipe, par exemple en les préparant à collaborer, afin de réduire la prévalence des conflits.
La présentation du cadre de Bedwell (2012) et de la zone du travail du modèle de Landry (2007) permettent également de bien saisir en quoi consiste la collaboration et ce qui se produit durant le travail d’équipe. Pour une personne enseignante, ces cadres peuvent être des outils pertinents pour élaborer une tâche d’apprentissage collaborative, c’est-à-dire qui implique la réciprocité entre les membres.
Enfin, les recommandations et pistes d’action proposées par Leduc et al. (2022) dans leur discussion peuvent être très aidantes pour toute personne enseignante qui souhaite faciliter le travail collaboratif et accompagner adéquatement les personnes étudiantes dans ce processus. En outre, on propose lors de la préparation des personnes étudiantes à collaborer, de leur montrer l’importance des habiletés de communication.
Références
Bedwell, W. L., Wildman, J. L., DiazGranados, D., Salazar, M., Kramer, W. S. et Salas, E. (2012). Collaboration at work: An integrative multilevel conceptualization. Human Resource Management Review, 22(2), 128‑145. https://doi.org/10.1016/j.hrmr.2011.11.007
Landry, S. (2007). Travail, affection et pouvoir dans les groupes restreints : Le modèle des trois zones dynamiques. PUQ: Les Presses de l’Université du Québec. http://canadacommons.ca/artifacts/1882132/travail-affection-et-pouvoir-dans-les-groupes-restreints/2631331/
Mucchielli, R. (2019). Le travail en équipe : clés pour une meilleure efficacité collective. ESF Sciences humaines.
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Notice biographique
Chantal Tremblay est professeure au département de didactique de l'Université du Québec à Montréal. Elle s’intéresse à la conception et à l’évaluation d’outils numériques d’échafaudage (scaffolding) pour favoriser l’apprentissage d’une démarche de résolution de problèmes complexes chez des étudiants postsecondaire. Ses projets portent également sur la documentation des pratiques en évaluation des apprentissages, l’innovation pédagogique et l’intégration pédagogique du numérique en enseignement supérieur. Ayant participé à toutes les phases du projet initié par le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur du Québec pour la création du Cadre de référence de la compétence numérique et de son Continuum de développement, elle s’intéresse aussi à la mesure et au développement de cette compétence.