La rétroaction ipsative pour motiver et guider l’étudiant

Article

Hughes, G., Wood, E. et Kitagawa, K. (2014). Use of self-referential (ipsative) feedback to motivate and guide distance learners. Open Learning: The Journal of Open, Distance and e-Learning, 29(1), 31-44. https://doi.org/10.1080/02680513.2014.921612

Résumé

Success does not then need to be the preserve of the highest achievers […] all learners at all levels can demonstrate progress.

- Gwyneth Hughes, Elizabeth Wood et Kaori Kitagawa, 2014, p. 32

 

Le présent résumé porte sur l’article Use of self-referential (ipsative) feedback to motivate and guide distance learners de Gwyneth Hughes, Elizabeth Wood et Kaori Kitagawa.

Dans une étude effectuée par Hughes en 2011, cette dernière avait défini la notion de l’évaluation ipsative comme la comparaison entre la performance actuelle de l’étudiant et sa performance précédente. Étant conscientes que les occasions de fournir une rétroaction sont plus limitées dans le cadre d’une formation à distance qu’en présentiel, les auteures du présent article soutiennent que des commentaires de nature ipsative pour l’étudiant seraient un véritable gain et ce, même dans un contexte d’éloignement géographique.

D’une part, les auteures indiquent que les étudiants en situation d’apprentissage à distance ont un lien plus ténu avec autrui (professeurs, étudiants, tuteurs) que sur campus et, en ce sens, une rétroaction personnalisée serait d’autant plus bénéfique pour accroître le sentiment d’être accompagné dans ses apprentissages et du coup, accroître la motivation.

Méthodologie

Étude menée auprès d’une cohorte inscrite à un programme de maîtrise en formation à distance (distance learning Masters program) dispensé entièrement en ligne.

Collecte effectuée sur une période de deux ans : entrevues auprès de 24 étudiants; échantillons de rétroactions écrites destinés à 27 étudiants; entrevues auprès de 3 personnes tutrices.

Trois objectifs : (1) recenser les rétroactions ipsatives fournies aux étudiants; (2) en l’absence de matériau recensé, développer un processus pour la rétroaction ipsative; (3) connaître les points de vue des personnes ayant appliqué ce processus dans ses aspects motivationnels et de faisabilité.

Limites des pratiques de rétroaction actuelles

Pour être motivés, les apprenants ont besoin de rétroactions positives et constructives. Toutefois, lorsque les commentaires positifs sont plaqués seulement dans le but de faire passer les commentaires moins élogieux, les étudiants détectent aisément la tactique et ne tiennent plus compte de la rétroaction. Citant une étude de Molloy, Borrell-Carrio et Epstein de 2013, les auteures notent que les efforts menés par les personnes tutrices pour faire passer en douceur un aspect à améliorer chez l’étudiant (par la technique communément appelée « sandwich » où un commentaire plus négatif est glissé entre deux positifs), la rétroaction est ignorée par ce dernier. Qui plus est, une rétroaction surchargée de louanges peut être contreproductive si elle n’est pas faite pour reconnaître le réel progrès de l’étudiant ou pour souligner son atteinte de certaines normes et standards.

De plus, les auteures soulèvent le point que, bien souvent, les étudiants n’utilisent pas les rétroactions qui leur sont fournies; d’une part parce qu’ils ne les comprennent pas, et d’autre part, parce qu’elles ne sont pas axées sur le développement de l’étudiant : « Walker’s (2009) study from the OU [Open University] suggests that much feedback is not useable, not only because learners do not understand it, but also because it is not clearly developmental » (Hughes, Wood, Kitagawa, p. 33).

Le défi auquel nous convient les auteures de l’article est de donner une rétroaction pour chaque étudiant en fonction de l’accroissement de ses compétences passées. La personne en position d’apporter des commentaires doit le faire en fonction de ce qu’elle connaît déjà de l’étudiant. Autrement dit, le point d’appui principal pour faire l’évaluation de l’étudiant serait ses prestations antérieures. À partir de celles-ci, la personne responsable de la rétroaction devrait évaluer si l’étudiant a fait du progrès ou non.

Ce type de rétroaction fait appel à la capacité des personnes tutrices à prendre des notes sur les productions de chacun de ses étudiants et de réagir en fonction de ces notes à chaque nouvelle production. Ceci peut être très demandant par contre si la personne tutrice a une centaine d’étudiants à suivre, par exemple.

Concepts évoqués dans l’article

(traduction libre)

Ipsatif : auto-référentiel

Évaluation ipsative : évaluation mesurant la performance d’un apprenant en fonction de ses accomplissements passés, et non en comparaison avec ceux d’autres apprenants.

Extraits de l’article :

« For distance learners, the formal feedback mechanisms are particularly important because opportunities for informal feedback may be limited (Morgan & O’Reilly, 1999). » (p. 32)

« Publishing criteria and standards are essential, but not sufficient for student engagement with tutor feedback; it is dialogue that enables students to better interpret these. » (p. 34).

Comment s’y prendre?

En raison de sa difficile implémentation dans les conditions de tutorat à distance telles qu’on les connaît jusqu’à présent, les auteures de l’article avancent comme solution de faire faire une rétroaction ipsative par les étudiants eux-mêmes, accompagnés par la personne tutrice. Voici le processus de rétroaction proposé par les auteures (tiré de Hughes, 2011) :

  • L’étudiant revoit la rétroaction qu’il a reçue par le passé et identifie les aspects à développer.
  • L’étudiant complète une autoévaluation sur la façon dont il a intégré cette rétroaction passée dans sa présente production, à l’aide d’un formulaire conçu à cet effet.
  • L’étudiant joint le formulaire à sa production lorsqu’elle fait l’objet d’une évaluation sommative.
  • La personne tutrice étudie la prestation de l’étudiant en fonction de ses productions passées et lui prodigue une rétroaction (1) ipsative et (2) axée sur le développement.
  • Le processus peut être répété le nombre de fois voulu.

Cette façon de faire allège la tâche de la personne tutrice, car les points de repère sont donnés par l’étudiant; elle n’est donc pas obligée de colliger elle-même l’ensemble des rétroactions données à chaque étudiant.

Conclusion

En somme, les auteurs de l’article considèrent que la rétroaction ipsative permet d’accroître la motivation et l’engagement de l’étudiant dans ses apprentissages à distance. Les auteures de l’article soutiennent qu’il a y possiblement trois impacts associés à la rétroaction ipsative chez l’étudiant : s’approprier la rétroaction faite sur des productions précédentes;  adopter une démarche autoréflexive en réponse à ces rétroactions et ainsi accroître son engagement et motivation dans ses apprentissages; puis, enfin, connaître son degré de réponse par rapport à la rétroaction précédente ainsi qu’obtenir des orientations pour ses futurs apprentissages.

Références

Hughes, G. (2011). Aiming for personal best: A case for introducing ipsative assessment in higher education. Studies in Higher Education, 36, 353-367. Dans G. Hughes, E. Wood et K. Kitagawa (2014).

Hughes, G., Wood, E. et Kitagawa, K. (2014). Use of self-referential (ipsative) feedback to motivate and guide distance learners. Open Learning: The Journal of Open, Distance and e-Learning, 29(1), 31-44. https://doi.org/10.1080/02680513.2014.921612

Notice biographique

Sophie Beaupré est spécialiste en sciences de l’éducation à l’Université TÉLUQ. Elle cumule plus d’une quinzaine d’années d’expérience dans le milieu de l’éducation. En 2014, elle reçoit un certificat d’excellence de l’Université TÉLUQ pour ses résultats obtenus en technologie éducative. Elle est co-auteure du Guide de conception et d’utilisation du manuel numérique universitaire (PUQ, 2013). Elle a collaboré au développement de cours universitaires s’étant vu décerner un prix (Prix de la ministre pour « Stratégie d’entreprise », TÉLUQ, 2011) et une reconnaissance (mention de l’Infothèque de l’Agence universitaire de la Francophonie pour « Travail intellectuel en philosophie », UQAM, 2005). Elle participe aux Lectures choisies du site Pédagogie universitaire depuis 2015.

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