Les télévoteurs et la dynamique de classe

Dynamiser son enseignement peut être aussi simple que d'introduire quelques clics!  Vous trouverez dans Le Tableau numéro 3, comment Vincent Laberge et Eric Francoeur vous proposent d'utiliser les télévoteurs et comment ces derniers peuvent solliciter l'interaction entre vos étudiants et vous-même!

Mise en situation

Antoine enseigne à 75 étudiants. Son approche est magistrale, appuyée par une présentation visuelle qui résume ou illustre les notions principales. Il aimerait rendre son cours plus interactif et vérifier plus fréquemment la compréhension de certains concepts clés.

À ce jour, il pose des questions aux étudiants, mais ces derniers hésitent longtemps avant de risquer une réponse et il appert que ce sont souvent les mêmes qui répondent et qui engagent la discussion.

Au cours du trimestre, Antoine apprend l’existence des télévoteurs, des systèmes permettant à tous les étudiants d’une classe de répondre à des questions. Antoine décide donc d’essayer cette technologie. L’intégration des télévoteurs dans sa classe se fait facilement, malgré certaines contraintes liées à leur utilisation.

Avec cet outil, Antoine a une meilleure vue d’ensemble de la compréhension des étudiants et, au besoin, il peut intervenir sur le moment. Les étudiants apprécient surtout ce système lorsque vient le temps de faire des compétitions en équipe.

Convaincu, Antoine est maintenant prêt à expérimenter dans ses cours d’autres systèmes qui lui permettraient d’aller encore plus loin et dont il a entendu parler.

Pourquoi?

CINQ RAISONS POUR UTILISER LES TÉLÉVOTEURS

  1. Ludiques et motivants, ces dispositifs permettent de dynamiser le cours, notamment dans un contexte d’enseignement en grands groupes, et ils sont connus pour garder l’attention des étudiants distraits et diminuer l’absentéisme.
  2. L’anonymat des répondants par rapport à leurs collègues permet la participation de tous les étudiants y compris ceux qui sont réticents à s’exprimer en public. 
  3. L’enseignant peut questionner la classe avant de présenter son contenu pour valider les connaissances antérieures des étudiants et ainsi mieux ajuster son enseignement.
  4. Les télévoteurs permettent une rétroaction rapide pendant le cours et une validation de la compréhension du sujet par les étudiants.
  5. Les télévoteurs facilitent l’amorce de débats d’idées avec des questions qui se prêtent moins bien à des réponses à voix haute comme celles traitant d’éthique ou d’opinions personnelles.

Quoi?

UNE DÉFINITION POSSIBLE DES TÉLÉVOTEURS

Il s’agit de dispositifs permettant à un auditoire de répondre instantanément à une question à choix multiples ou à court développement.

Les télévoteurs sont connus sous une multitude de noms. En français, on les appelle télévoteurs, manettes interactives ou multivoteurs, tandis qu'en anglais on les connaît sous les noms de clicker, classroom communication system (CCS), audience response system (ARS), personnal response system (PRS), interactive student response system (SRS), wireless keypads, audience paced feedback, electronic voting system, voting machines et zappers. Peu importe le terme utilisé, le principe de base de tout système de télévoteur est similaire.

Les éléments qui composent ces systèmes sont les suivants (Lowery 2005) :

  • Émetteurs : ce sont les télévoteurs, les appareils qui permettent aux étudiants de répondre. Selon les systèmes, il peut s’agir d’appareils spécialisés ou simplement d’appareils génériques capables de se brancher à Internet (tablettes, portables, téléphones multifonctions).
  • Récepteur : pour les télévoteurs utilisant des émetteurs infrarouges ou radio, un récepteur est nécessaire. Celui-ci est normalement externe à l'ordinateur personnel de l'enseignant. Dans le cas des systèmes reposant sur Internet, le récepteur est purement logiciel.
  • Logiciel : chaque système de télévoteurs utilise un logiciel qui lui est propre dont les fonctions principales sont de proposer des questions et de colliger, présenter et sauvegarder les réponses.

La raison d'être des télévoteurs est principalement d'engager la classe entière dans une prise de position sur une question liée à la matière. Lorsque des questions sont posées à l'ensemble des étudiants et que la distribution des réponses est connue de tous, les étudiants reconnaissent qu'ils ne sont pas seuls à penser comme ils le font et s'ensuit une perception de soutien moral qui les encourage à participer au dialogue et à exprimer leur point de vue.

De nombreuses recherches ont démontré que l'utilisation des télévoteurs augmente la confiance en soi, la motivation, la satisfaction des étudiants vis-à-vis du cours et la rétention de la matière. (Doucet et al. 2007, Beatty, 2004, Roschelle et al. 2004, Lowery 2005, MacArthur et al. 2008).

Ce que nous dit la recherche

UN DISPOSITIF DYNAMISANT LES INTERACTIONS

télévoteurs

Les télévoteurs contribuent à attirer l'attention des étudiants sur la matière que l'enseignant juge importante, leur permet d'appliquer les notions récemment apprises, de faire des liens entre elles, de voir ces dernières dans un nouveau contexte et de se préparer à apprendre dans les cas où ils ne connaissent pas la réponse à la question posée.

Par l’utilisation de ces dispositifs, on cherche à maximiser l’efficacité des interactions verticales (entre l’enseignant et ses étudiants) en permettant et en encourageant des interactions horizontales (entre étudiants) sur les thématiques du cours.

Comment?

UTILISER LES TÉLÉVOTEURS EFFICACEMENT

Essentiellement, l’utilisation de télévoteurs permet de poser des questions dans diverses situations. La nature des questions et leur timing ont des effets différents sur l’apprentissage des étudiants. Les enseignants qui posent beaucoup de questions auront une grande facilité à adapter leurs cours à l’utilisation de ces dispositifs. L’important est d’utiliser le bon type de question en fonction des objectifs visés:

  • Questions d'amorce: questionner les étudiants avant de voir la matière pour les déstabiliser. Les choix de réponse doivent être des erreurs récurrentes connues.
  • Questions de retour/de synthèse: questionner après avoir donné la matière afin de confirmer que les étudiants comprennent ce qui a été enseigné. Poser la même question à plusieurs moments dans l'année permet de constater l'évolution de la classe.
  • Questions de débats: poser une question ouverte avec des choix de réponse qui sont tous défendables philosophiquement.

 

Voici un schéma inspiré de la méthode socratique, qui scénarise le cours de façon optimale :

méthode socratique

  1. Composer une bonne question.
  2. Poser la question.
  3. Laisser les étudiants réfléchir et répondre individuellement.
  4. Donner du temps aux étudiants pour discuter avec les pairs et ensuite afficher les réponses.
  5. Diriger la discussion en classe.
  6. Donner un exemple qui permet de comprendre la bonne réponse.
  7. Évaluer la question posée, modifier selon le feedback des étudiants pour la prochaine fois.
  8. Fermer la discussion (c’est important pour revenir sur les points à retenir, leçons à tirer).
  9. Atteindre le but de la séance, tel qu’établi dans le plan de cours.

Sur le plan pédagogique, l'utilisation de la méthode socratique requiert un ajustement tant de la part de l'enseignant que des étudiants. Les enseignants doivent apprendre à guider les étudiants à travers la matière enseignée plutôt que de contrôler leur classe. Ils doivent aussi apprendre à composer des questions adaptées à leurs étudiants et à susciter ou modérer des débats. Les étudiants doivent apprendre à participer, à dialoguer, à écouter leurs pairs plutôt que de rester passifs et en attente des contenus enseignés.

 

Faire place à l’interaction

Une objection revient souvent au sujet de l’utilisation des télévoteurs : c’est une technologie bien intéressante, mais chronophage! Alors, comment libérer le temps nécessaire? Il est possible de changer le rythme du cours en transférant en amont de la classe une partie des apprentissages, sous forme, par exemple, de lectures que l’étudiant doit faire avant le cours. Cela permet de laisser du temps pour les interactions en classe. L’utilisation des télévoteurs et du cycle de questionnement misent exactement sur la valeur ajoutée de l’enseignement présentiel en animant la classe et en faisant réfléchir les étudiants. Cette approche s’inscrit bien dans le cadre d’une classe inversée, qui s’appuie sur l’apprentissage individuel hors classe et sur l’application des connaissances en classe.

 

Finalement...

Grâce à l'utilisation des télévoteurs, la distance qui se crée entre les étudiants et les enseignants dans les grandes classes s'atténue, puisque chaque étudiant participe, ne serait-ce que de façon minimale, et devient un agent actif de ses propres apprentissages. En contrepartie, des ajustements sont nécessaires à leur implantation et à leur manipulation par l’enseignant qui doit s’approprier un nouveau logiciel-outil. Les télévoteurs sont une source de motivation pour les enseignants et les étudiants puisqu’ils permettent un enseignement axé sur l'expérience et la discussion plutôt que sur les présentations magistrales unidirectionnelles.

Références

Beatty, I. (2004). Transforming Student Learning with Classroom Communication Systems, Educause Center for Applied Research, 2004(3).

Doucet, M., Vrins, A., Harvey, D., Laflamme, A. (2007), Vers un changement de culture en enseignement supérieur: Regards sur l'innovation, la collaboration et la valorisation. Congrès de l'association internationale de pédagogie universitaire.

Lowery, R. C.(2005), Teaching and Learning with Interactive Student Response Systems: A Comparison of Commercial Products in the Higher-Education Market.

Macarthur, J. R. et Jones, L. L.(2008), A review of literature reports of clickers applicable to college chemistry classrooms, Chemistry Education Research and Practice,187-195.

Roschelle, J., Penuel et W. R. Abrahamson, L. (2004) The networked classroom. Education Leadership, 61, 50-54.

Pour en savoir plus

D'autres questions à explorer

  • L’enseignement magistral peut-il se renouveler?
  • Quelles autres technologies peuvent concourir à dynamiser l’enseignement magistral?
  • La technologie est-elle davantage un ensemble d’outils intéressants et susceptibles de favoriser les apprentissages ou une simple source de distraction?

Notices biographiques

Vincent Laberge est professionnel de recherche et coordonnateur de C-UTILE, la communauté de pratique sur l’utilisation des technologies de l’information en enseignement. Il fournit aussi un support technique, administratif et méthodologique à l’ensemble de l’équipe du GRIDD, un laboratoire de recherche en génie de la construction à l'ÉTS pour l'intégration de nouvelles technologies et du développement durable dans l'industrie.

Eric Francoeur est maître d'enseignement aux Services des enseignement généraux de l’ÉTS depuis 2012.  Il est spécialisé en déontologie et éthique de l’ingénieur et en développement durable.  Il est aussi membre du groupe d'interventon et d'innovaton pédagogique de l'Université du Québec (GRIIP) et membre-fondateur de la communauté de pratique C-UTILE.

Mentions de responsabilité

Cette capsule est une production de la Direction du soutien à l’enseignement et des bibliothèques (DSEB) en collaboration avec le Groupe d’intervention et d’innovation pédagogique (GRIIP)

Comité éditorial : François Guillemette, Céline Leblanc, Lucie Charbonneau, Caroline Lessard et Marie-Michèle Lemieux

Coordination : Marie-Michèle Lemieux

Rédaction : Vincent Laberge et Éric Francoeur

Correction : Isabelle Brochu et Dominique Papin