Les rencontres actives (« walking meeting ») pour favoriser la réflexion et le bien-être physique en contexte scolaire

Dans ce numéro du Tableau, Martin Lavallière (professeur à l’UQAC), Patricia Blackburn (professeure à l’UQAC), Louis-David Beaulieu (professeur à l’UQAC) et Grant A. Handrigan (professeur à l’Université de Moncton) traitent des rencontres actives (« walking meeting ») comme moyen, tant pour les enseignants que pour les étudiants, pour réduire la sédentarité liée au travail par la pratique d’une activité physique tout en favorisant la réflexion et la créativité. 

Mise en situation

Albert enseigne à l’université et rencontre fréquemment des étudiants afin de clarifier certains points couverts en classe ou pour discuter de projets de recherche. Ces nombreuses rencontres le forcent toutefois à passer beaucoup de temps assis. Même ses étudiants lui rapportent être moins actifs physiquement depuis leur entrée à l’université! Albert a aussi entendu parler du phénomène « Freshman 15 » qui fait référence au fait que la première année universitaire est associée à un gain de poids chez les étudiants. Il sait que le manque d'activité physique et l’augmentation des activités sédentaires accroitront les risques de développer des maladies chroniques et/ou des maladies cardiovasculaires. Tout comme les professionnels de la santé, il croit que les enseignants peuvent jouer un rôle dans la promotion d’un mode de vie physiquement actif chez les étudiants, et ce, tout en offrant un enseignement et un encadrement de qualité.

C’est pourquoi il cherche à développer des outils et des moyens pour réduire la sédentarité causée par le travail et, du même coup, offrir à ses étudiants des opportunités de bouger. Il lui vient donc l’idée de mettre en place des « rencontres actives » (« walking meeting ») avec ses étudiants.

Pourquoi?

CINQ RAISONS POUR IMPLANTER DES RENCONTRES ACTIVES AVEC LES ÉTUDIANTS

  1. La marche profite à notre corps de diverses manières et stimule la créativité : une aubaine pour les rencontres!
  2. Être physiquement plus actif permet de réduire la sédentarité et l’apparition précoce de différentes maladies (Taylor, 2014).
  3. Les bureaux actifs (ex.: tapis roulant) permettent d’offrir des alternatives « actives » aux organisations.
  4. Ces rencontres permettent à tous de conserver un équilibre de vie plus sain entre, d’une part,  les tâches du travail ou des études et, d’autre part, la responsabilité de maintien de sa santé.
  5. L’activité physique est aussi associée à une diminution du niveau de stress (Heisz et al., 2017).

Quoi?

EN QUOI CONSISTE UNE RENCONTRE ACTIVE (« WALKING MEETING »)?

La rencontre active consiste en un moment destiné à une rencontre avec un ou des étudiants, ou même des collègues, durant lequel on profite du temps alloué pour être physiquement plus actif que lorsqu’on est assis. Il peut s’agir d’une marche à l’intérieur ou à l’extérieur ou toute autre forme d’activité physique que l’on peut faire tout en discutant (Oppezzo et Schwartz, 2014).
 

Ce que nous dit la recherche

UNE RENCONTRE ACTIVE AFIN D’ACTIVER LES RÉFLEXIONS ET LES IDÉES

Oppezzo et Schwartz (2014) ont montré que lorsque les participants marchaient plutôt que de rester assis, ils étaient 60 % plus créatifs dans leurs réponses et que cette créativité persistait pendant plusieurs minutes après l’arrêt de la marche. Des blocs de marche de 5 à 16 minutes ont été suffisants pour montrer un effet positif sur la créativité. D’autres études rapportent que l’exercice physique comme la marche améliore aussi les capacités cognitives et favorise la consolidation de la mémoire (Heisz et al., 2017). Lorsque bien implantées, les initiatives de santé favorisant de saines habitudes de vie telles que les pauses actives fonctionnent dans les entreprises comme dans les milieux scolaires (Grande et al., 2015). En plus d’être bénéfique sur l’esprit, la marche présente aussi plusieurs bienfaits sur la santé générale et permet de contrer les effets néfastes de la sédentarité (Engelen et al., 2017).

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Comment?

COMMENT INTÉGRER DES RENCONTRES ACTIVES?

Voici quelques idées à mettre en place pour favoriser les rencontres actives en contexte universitaire :

Intégrer des pauses actives à même un cours, par exemple en demandant aux étudiants d’aller chercher de la documentation à un endroit donné comme à la bibliothèque. 

Planifier et créer des « parcours de discussion » (« chat path ») à l’intérieur comme à l’extérieur de l’établissement.

Planifier et instaurer des postes de travail actifs disponibles pour les étudiants afin que, dans différents contextes, ils puissent être physiquement plus actifs. Le tout peut se réaliser avec des postes assis debout à l’arrière des classes ou dans les espaces partagés de vie sur le campus comme la bibliothèque (Bastien Tardif et al., 2018).

Les rencontres actives peuvent également se dérouler à la course à pied ou à vélo si le contexte le permet. L’objectif est de trouver une activité qui rejoint tout un chacun et où tout le monde pourra s’exprimer librement. L’activité physique ne doit pas être trop intense afin de prévenir l’essoufflement qui pourrait ralentir le rythme des interactions ou rendre la discussion difficile. On doit pouvoir maintenir une discussion facilement à une intensité convenable pour les participants.

Les professeurs et les étudiants peuvent planifier d’enregistrer les échanges lors de la rencontre active puisque celle-ci peut rendre la prise de notes plus difficile.

Finalement, mettre en place des rencontres actives avec les étudiants est relativement simple lorsque les ressources et les moyens sont implantés dans le milieu. Cela permet de favoriser un mode de vie actif et aide à briser le cycle de la sédentarité associé aux études supérieures en plus d’être bénéfique pour la créativité et la cognition.

Vos réunions et vos rencontres peuvent grandement bénéficier d’une nouvelle énergie : allez donc faire une marche!

Références

Bastien Tardif, C., Cantin, M., Senecal, S., Leger, P. M., Labonte-Lemoyne, E., Begon, M. et Mathieu, M. E. (2018). Implementation of Active Workstations in University Libraries-A Comparison of Portable Pedal Exercise Machines and Standing Desks. International Journal of Environmental Research and Public Health, 15(6). https://doi.org/10.3390/ijerph15061242

Engelen, L., Chau, J., Bohn-Goldbaum, E., Young, S., Hespe, D et Bauman, A. (2017). Is Active Design changing the workplace? - A natural pre-post experiment looking at health behaviour and workplace perceptions. Work, 56(2), 229-237. https:\\doi.org\10.3233/WOR-172483

Grande, A. J., Cieslak, F et Silva, V. (2015). Workplace exercise for changing health behavior related to physical activity. Work, 53(3), 479-484. https:\\doi.org\10.3233/WOR-152175

Heisz, J. J., Clark, I. B., Bonin, K., Paolucci, E. M., Michalski, B., Becker, S. et Fahnestock, M. (2017). The Effects of Physical Exercise and Cognitive Training on Memory and Neurotrophic Factors. Journal of Cognitive Neuroscience, 29(11), 1895-1907. https:\\doi.org\10.1162/jocn_a_01164

Oppezzo, M. et Schwartz, D. L. (2014). Give your ideas some legs: the positive effect of walking on creative thinking. Journal of Experimental Psychology. Learning, Memory, and Cognition, 40(4), 1142-1152. https:\\doi.org\10.1037/a0036577

Taylor, G. (2014). Rapports de l'administrateur en chef de la santé publique sur l'état de la santé publique au Canada – La santé publique et l'avenir.

Pour en savoir plus

La norme « Entreprise en Santé » (BNQ 9700-800 Prévention, promotion et pratiques organisationnelles favorables à la santé en milieu de travail) vise le maintien et l'amélioration durable de l'état de santé des personnes en milieu de travail par : l'intégration de la valeur de la santé des personnes dans le processus de gestion des entreprises, la création de conditions favorables à la responsabilisation du personnel en regard de leur santé, et l'acquisition de saines habitudes de vie et le maintien d'un milieu de travail favorable à la santé.

D'autres questions à explorer

  • Est-ce que les postes de travail actifs comme ceux munis d’un pédalier ou d’un tapis roulant confèrent les mêmes bénéfices qu’une marche ou d’autres formes d’activité physique?
  • Existe-t-il des alternatives pour offrir le même type de rencontre active pour les matières qui requière une prise de notes active ou des démonstrations informatiques?

Notices biographiques


Martin Lavallière est professeur-chercheur au Module de kinésiologie du Département des sciences de la santé de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), membre du Lab BioNR et du Centre Intersectoriel en Santé Durable (CISD) de l'UQAC. Il se spécialise en facteurs humains et ergonomie avec une emphase plus particulière sur la sécurité routière, le vieillissement et la santé et sécurité au travail. Il détient un baccalauréat (2005), une maîtrise (2007) et un doctorat (2013) en kinésiologie à l’Université Laval.


Patricia Blackburn est professeure agrégée au Module d’enseignement en kinésiologie au Département des sciences de la santé de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC). Kinésiologue de formation, elle a terminé un doctorat en nutrition à l’Université Laval en 2013. Ses travaux de recherche portent principalement sur l’étiologie de l’obésité et ses conséquences métaboliques et cardiovasculaires ainsi que sur la mise en place de stratégies préventives et de prise en charge. Elle s’intéresse particulièrement à l’influence des habitudes de vie comme l’activité physique, les comportements sédentaires et l’alimentation sur la santé métabolique et la prise en charge de l’obésité. 


Louis-David Beaulieu est physiothérapeute et professeur adjoint en physiothérapie depuis août 2017 à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC). Il est le directeur du Laboratoire de recherche biomécanique et neurophysiologique en réadaptation neuro-musculo-squelettique (Lab BioNR, UQAC) et membre du CISD. L’enseignement et la recherche du professeur Beaulieu concernent la pratique de la neuroréadaptation, la biomécanique appliquée à la physiothérapie et l’utilisation de technologies innovantes dans des conditions pathologiques affectant le système nerveux.


Grant A. Handrigan a obtenu une maîtrise en sciences (2008) de l'Université Memorial (Terre-Neuve-et-Labrador) en physiologie de l'exercice et du travail. En 2013, il a obtenu son doctorat en kinésiologie (biomécanique et en contrôle moteur) à l'Université Laval. Il est actuellement professeur agrégé à l'Université de Moncton (Nouveau-Brunswick) à l'école de kinésiologie et de loisirs où il dirige le laboratoire BEAM (Biomécanique, Ergonomie, Analyse du Mouvement humain).

Mentions de responsabilité

Cette capsule est une production de la Direction du soutien aux études et des bibliothèques (DSEB) en collaboration avec le Groupe d’intervention et d’innovation pédagogique (GRIIP)
Comité éditorial : Claude Boucher, François Guillemette, Alain Huot, Céline Leblanc et Chantal Roussel
Coordination : Karine Vieux-Fort
Rédaction : Martin Lavallière, Patricia Blackburn, Louis-David Beaulieu et Grant A. Handrigan
Correction : Isabelle Brochu et Dominique Papin