Vous connaissez bien le contenu de votre cours. Vous savez ce que vous souhaitez que les étudiants retiennent. Cependant, vous vous demandez comment permettre aux étudiants de construire leurs connaissances à long terme. Ce dernier numéro du printemps, écrit par Ghislain Samson vous permettra d'explorer quelques pistes possibles pour y arriver.
Mise en situation
Myriam supervise des stages en sciences infirmières. Elle aide ses stagiaires à faire des liens entre des concepts étudiés dans des cours universitaires (cours théoriques) et des exemples concrets tirés de la pratique professionnelle vécue en stage.
Un chargé de cours en comptabilité de troisième année remarque que ses étudiants réinvestissent dans son cours ce qu’ils ont appris dans les cours antérieurs, notamment lorsqu’il leur indique des situations précises où ils peuvent faire ces réinvestissements.
Un professeur en génie électrique enseigne deux cours au même groupe : un cours de mathématique appliqué et un cours de physique. Or, il constate que certains étudiants semblent tisser plus facilement des liens entre les deux cours lorsqu’il leur montre ce qui est semblable entre les deux cours.
Dans le cadre d’une activité de formation continue, la formatrice remarque que les participants sont plutôt axés sur l’action. Ceux-ci doivent être accompagnés pour maintenir leur attention sur ce qu’ils ont appris et sur ce qu’ils doivent réinvestir dans les premières activités de formation.
Pourquoi?
CINQ RAISONS DE SE PRÉOCCUPER DU TRANSFERT DES APPRENTISSAGES
- Il favorise des apprentissages signifiants et intégrés et minimise l’écart entre la théorie et la pratique.
- Il permet de sauver du temps, autant pour la personne enseignante que pour la personne apprenante (Samson, 2003).
- Il favorise l’engagement et la persévérance (Bédard et al., 2012).
- Il libère un espace cognitif dans la mémoire car un réinvestissement d’une situation source (départ) à une situation cible (arrivée) est moins exigeant au plan cognitif.
- Il donne du sens aux apprentissages. L’étudiant accordant de la valeur à ses apprentissages, trouvera le moyen de les réinvestir, de mobiliser les savoirs lorsque la situation le permettra.
Quoi?
UNE DÉFINITION POSSIBLE DU TRANSFERT
Différentes définitions existent pour le transfert des apprentissages. Peu importe la définition retenue, certains points sont à considérer :
- Le transfert implique la mise en relation et l’adaptation d’un apprentissage dans un contexte nouveau et inhabituel.
- Le transfert mobilise non seulement de simples connaissances déclaratives, mais aussi des habiletés cognitives, métacognitives et des dispositions liées au contexte d’apprentissage et de mobilisation.
- Le transfert fait appel à l’action (résolution de problèmes ou réalisation d’une tâche) et se différencie ainsi de l’application pure et simple des connaissances. Par exemple, l’accord d’un participe passé dans un exercice, puis dans une production écrite.
- Le transfert constitue une part importante de la capacité d’adaptation et du développement professionnel.
Ce que nous dit la recherche
TROIS TYPES DE CONNAISSANCES À NE PAS NÉGLIGER
Selon plusieurs auteurs, dont Tardif (1997) et Samson (2004), le transfert des apprentissages suppose une mise en relation des connaissances déclaratives (quoi?), procédurales (comment?) et conditionnelles (où?, quand? et pourquoi?). Or, souvent, ce sont les connaissances déclaratives qui sont enseignées au détriment des connaissances conditionnelles. Pourtant ce sont ces dernières qui favorisent le transfert. Une réflexion s’impose donc sur les concepts à enseigner et sur l’importance de faire des liens entre ces concepts et leurs contextes.
Références
Bédard, D., Lison, C., Dalle, D., Côté, D. et Boutin, N. (2012). Problem-based and Project-based Learning in Engineering and Medicine: Determinants of Students’ Engagement and Persistance. Interdisciplinary Journal of Problem-based Learning, 6(2). https://doi.org/10.7771/1541-5015.1355
Frenay, M. et Bédard, D. (2006). Le transfert des apprentissages. Dans E. Bourgeois, & G. Chapelle (Eds.). Apprendre et faire apprendre (pp. 123-136). Paris : Presses Universitaires de France.
Samson, G. (2004). Étude exploratoire du transfert des connaissances entre les mathématiques et les sciences auprès d’une clientèle de 4e secondaire. Thèse de doctorat, Université du Québec à Trois-Rivières, Canada.
Tardif, J. (1997). Pour un enseignement stratégique. L'apport de la psychologie cognitive. 3e édition. Montréal : Les Éditions Logiques.
Pour en savoir plus
Pour bien distinguer les connaissances déclaratives, procédurales et conditionnelles, le lecteur est invité à consulter l’ouvrage de Tardif (1997), lequel reprend les différentes définitions et présente des exemples pour chacune. D’autres lectures intéressantes sont proposées ci-dessous; certaines traitent du transfert de manière générale, les autres en enseignement supérieur.
- Bracke, D. (1998). Vers un modèle dynamique du transfert : les contraintes à respecter. Revue des Sciences de l’Éducation, XXIV (2), 235-266.
- Presseau A. et Frenay M. (2004). Le transfert des apprentissages : mieux comprendre pour mieux intervenir. Québec : Presses universitaires de Laval.
- Samson, G. (2010). Regards croisés d’élèves et d’enseignants sur une didactique de l’interdisciplinarité. Le transfert des apprentissages peut-il être visé en mathématiques, sciences et technologie au secondaire? Revue de l’interdisciplinarité didactique, 1(1), 41-65.
- St-Pierre, L., Bédard, D., & Lefebvre, N. (2012). Enseigner dans un programme universitaire innovant : de nouveaux rôles à apprivoiser, des actes pédagogiques à diversifier. The Canadian Journal for the Scholarship of Teaching and Learning, 3 (1), Article 6.
D'autres questions à explorer
- Quels liens peut-on faire entre la métacognition et le transfert des apprentissages?
- Comment aider les étudiants à mieux se connaître comme apprenant?
Notice biographique
Titulaire d’un doctorat (Ph.D.) en didactique des sciences au secondaire (Université du Québec à Trois-Rivières/UQAM), Ghislain Samson est professeur au Département des sciences de l’éducation de l’UQTR. Spécialiste de la didactique des sciences, du transfert de connaissances en mathématiques et en sciences, il s’intéresse également aux questions relatives au curriculum scolaire, à l’interdisciplinarité et à l’éducation relative à l’environnement. Il a complété un stage postdoctoral à la Chaire de recherche Normand-Maurice de l’UQTR sur le transfert des apprentissages en contexte de Centre de formation en entreprise et récupération (CFER). Outre ses intérêts de recherche en éducation scientifique, il conduit également des recherches touchant les élèves en difficulté, l’employabilité, l’insertion socioprofessionnelles des jeunes, sur les effets de la pédagogie entrepreneuriale et plus récemment sur le tableau numérique interactif.
Mentions de responsabilité
Cette capsule est une production de la Direction du soutien aux études des bibliothèques (DSEB) en collaboration avec le Groupe d’intervention et d’innovation pédagogique (GRIIP)
Comité éditorial : François Guillemette, Céline Leblanc, Caroline Lessard, Marie-Michèle Lemieux et Lucie Charbonneau
Coordination : Lucie Charbonneau
Rédaction : Ghislain Samson
Correction : Isabelle Brochu et Dominique Papin
Comment?
FAVORISER LE TRANSFERT EN CONTEXTE UNIVERSITAIRE
Le transfert n’est pas réservé aux programmes professionnalisants et aux approches par compétences. Dans le cadre d’un programme par objectifs, les « savoirs » appris par cœur peuvent être transférés dans d’autres contextes, et ce, même s’ils sont théoriques. Au départ, l’enseignant aidera et accompagnera les apprenants. Progressivement, il laissera cette tâche aux étudiants. Voici six moyens pour favoriser l’autonomie des étudiants en ce domaine :