L’apprentissage hybride

L’apprentissage hybride semble être une solution pour accommoder les étudiants en leur permettant notamment de concilier études-travail-famille. Mais qu’en est-il de l’implication de l’enseignant universitaire en termes de compétences technopédagogiques à développer et de temps à investir afin d’offrir un enseignement adéquat? Le présent bulletin Le Tableau propose des éléments à considérer dans l’adoption de l’apprentissage hybride, soulève des défis susceptibles d’être rencontrés à la fois par l’enseignant et par les étudiants et fournit des pistes pour intégrer l’apprentissage hydride dans un cours universitaire.

Mise en situation

Robert est professeur en management depuis quelques années. Il constate que la majorité des étudiants ne posent pas vraiment de questions, n’ont pas fait les lectures avant d’arriver en classe par manque de temps et sont passifs. Il est convaincu qu’il pourrait les amener plus loin s’ils pouvaient prendre plus de temps pour interagir, discuter et approfondir la matière.

Il entend parler d’une initiative d’apprentissage hybride et décide de s’informer. À sa grande surprise, il découvre une solution qui lui apporterait plus de satisfaction en tant qu’enseignant et qui accommoderait sans doute ses étudiants qui doivent pour plusieurs conjuguer étudestravail-famille. Cependant, il s’inquiète du temps à investir pour modifier son cours et de son manque de connaissances des technologies. Il décide quand même de se lancer dans cette aventure avec le soutien d’un conseiller technopédagogique.

Après deux trimestres de cours hybrides, Robert est vraiment heureux de constater à quel point les étudiants se sont investis dans les discussions en classe et que la moyenne des notes finales est plus élevée. Des activités comme les lectures, la préparation des cas et le visionnement de vidéos d’experts se font à distance tandis que le temps en classe est vraiment consacré aux discussions et à l’accompagnement dans la réalisation des travaux. Les étudiants n’ont pas à se déplacer toutes les semaines sur le campus et ils semblent vraiment apprécier cette flexibilité. Robert est maintenant convaincu des avantages de l’apprentissage hybride et il est prêt à partager son expérience avec ses collègues.

Pourquoi?

CINQ RAISONS D’ADOPTER L’APPRENTISSAGE HYBRIDE

  1. 1. Permet à l’enseignant d’expérimenter une approche plus centrée sur les étudiants et qui répondra mieux à leurs besoins et aux différentes préférences d’apprentissage.
  2. Permet à l’enseignant d’explorer des pédagogies plus actives qui stimulent l’engagement des étudiants et qui contribuent à développer leur autonomie.
  3. Offre aux étudiants un environnement d’apprentissage plus collaboratif.
  4. Offre plus de flexibilité aux étudiants qui doivent de plus en plus conjuguer études-travailfamille.
  5. Améliore les résultats d’apprentissage comparativement aux approches plus traditionnelles, surtout si les stratégies pédagogiques sont résolument actives (Lopez-Perez, 2011).

Quoi?

UNE DÉFINITION POSSIBLE DE L’APPRENTISSAGE HYBRIDE

On trouve dans les écrits scientifiques plusieurs définitions de l’apprentissage hybride (hybrid ou blended learning), dont celles-ci :

  • En 2003, Thorne définissait l’apprentissage hybride comme « une occasion d’intégrer les innovations et les avancées technologiques qu’offre l’apprentissage en ligne combiné à l’interaction et à la participation découlant des meilleures pratiques de l’apprentissage en présentiel » (Chew et al., 2010, p. 3, traduction libre).
  • En 2005, Vaughan et Garrison, quant à eux, définissent l’apprentissage hybride comme « l’intégration réfléchie d’occasions d’apprentissage, en classe, et en ligne, qui n’est ni une addition à la présentation magistrale en classe ni un cours en ligne » (Chew et al., 2010, p. 3, traduction libre).
  • Les travaux du Sloan Consortium indiquent que l’apprentissage hybride contient entre 30 % et 79 % d’activités en ligne (Allen et al., 2007, p.5).

Ce que nous dit la recherche

BIEN QU’IL COMPORTE DE NOMBREUX AVANTAGES, L’APPRENTISSAGE HYBRIDE POSE TOUT DE MEME QUELQUES DÉFIS AUX ENSEIGNANTS ET AUX ÉTUDIANTS.

(GRAHAM, 2008; LOPEZ-PEREZ, 2011; NAPIER, 2011)
Défis pour les enseignants Défis pour les étudiants
Susciter l’engagement et la motivation des étudiants Être discipliné
Gérer de façon créative le temps en classe Bien gérer son temps
Établir un équilibre entre les activités en classe et les activités à distance Démontrer une certaine aisance dans l’utilisation des technologies
Assurer un soutien suffisant aux étudiants lors des activités à distance Investir plus de temps et d’énergie à l’extérieur du temps de présence en classe
Investir plus de temps et d’énergie pour développer un cours hybride comparativement à un cours en classe S’ouvrir à de nouvelles façons d’apprendre et d'effectuer ses études et accepter un certain inconfort

Comment?

INTÉGRER L’APPRENTISSAGE HYBRIDE DANS SON COURS

La conception d’un cours hybride doit être basée sur des principes pédagogiques et non sur le potentiel des technologies. Cela s’avère d’autant plus important dans la partie à distance où il n’est pas possible de voir la réaction immédiate des étudiants et d’apporter les ajustements nécessaires. Ces principes doivent être clairement articulés dans le processus de conception et le soutien d’un conseiller technopédagogique peut être utile afin de faciliter ce processus.

 

1. Les objectifs d’apprentissage doivent être explicités aux étudiants

On doit fournir aux étudiants des objectifs clairs leur indiquant ce qui est attendu d’eux en matière d’apprentissage. Cela les guide dans leurs études et plus particulièrement à se préparer à l’évaluation. Aussi, il est préférable de découper le contenu en objectifs plus spécifiques, afin de mieux encadrer les étudiants qui éprouvent des difficultés ou qui seraient moins motivés.

2. L’apprentissage doit être actif et collaboratif

Les apprenants doivent construire eux-mêmes leurs connaissances de manière active. La collaboration entre les professeurs et les étudiants, ou les pairs seulement, peut permettre aux étudiants d’aller plus loin dans leur apprentissage. On peut transformer l’exposé magistral du professeur en mettant en place des activités à distance afin que les étudiants arrivent en classe préparés, où des activités structurées (études de cas, problèmes à résoudre, etc.) inciteront tous les étudiants à participer et à interagir.

3. L’enseignement doit être centré sur les étudiants

Proposer des tâches intégratrices permettant aux étudiants d’exercer certaines compétences simultanément, dans un contexte d’apprentissage authentique et signifiant. En d’autres termes, mettre les apprenants en situation d’apprentissage authentique, près des situations liées à la pratique.

4. Une rétroaction est faite aux étudiants

Un cours structuré fournit à l’étudiant une rétroaction sur ses progrès. Une rétroaction constructive et en temps opportun favorise l’apprentissage. Par exemple, la rétroaction en ligne automatique et instantanée se met facilement en place, soit par des questionnaires en ligne ou des activités où une rétroaction par les pairs est prévue (ex. wiki).

5. L’autonomie de l’étudiant est encouragée

Une expérience d’enseignement efficace encourage l’autonomie des étudiants. L’enseignant y joue un rôle de facilitateur, d’accompagnateur et de guide. Les étudiants doivent prendre des initiatives et assumer une responsabilité personnelle dans leur apprentissage tout en étant accompagnés.

6. Les préférences d’apprentissage sont prises en compte

L’environnement d’apprentissage doit répondre aux besoins des apprenants, dans une perspective de différenciation. Les technologies sont utiles dans ce contexte puisqu’elles permettent de présenter le matériel dans divers formats comme l’image, la vidéo, l’audio, etc. En variant les médias, on peut aussi diminuer la charge cognitive et éviter de surcharger la mémoire de travail des apprenants composée de sous-systèmes (ex. informations orales/écrites et vision) en cumulant leurs capacités. Les étudiants peuvent ainsi traiter plus d’informations à la fois et cela facilite la mémorisation à plus long terme. Dans la partie en ligne d’un cours hybride, on peut aussi offrir différents parcours d’apprentissage et l’étudiant peut y choisir les moments consacrés aux études.

7. L’apprentissage réflexif est favorisé

Une expérience d’apprentissage efficace prévoit du temps pour la réflexion nécessaire au processus de métacognition qui permet à l’apprenant de gérer son propre apprentissage, de mieux comprendre comment il apprend. Des activités comme des discussions via un forum, des blogues ou un journal de bord peuvent susciter la réflexion.

 

Finalement… L’apprentissage hybride peut produire des environnements riches d’un point de vue pédagogique en combinant les avantages du présentiel et de la distance.

Références

Allen, I. E., Seaman, J., & Garrett, R. (2007). Blended In: The Extent and Promise of Blended Education in the United States. Needham, MA: Sloan Consortium (Sloan-C).

Chew, E., Turner, D. A., & Jones, N. (2010). In Love and War: Blended Learning Theories for Computer Scientists and Educationists. In F. L. Wang, J. Fong & R. C. Kwan (Eds.), Handbook of Research on Hybrid Learning Models: Advanced Tools, Technologies, and Applications (pp. 1-23). Hershey, PA: IGI Global.

Graham, C. R., & Dziuban, C. (2008). Blended Learning Environments. In M. J. Spector (Ed.), Handbook of research on educational communications and technology (pp. 269-276). New York: Lawrence Erlbaum Associates.

Lopez-Perez, V. M., Lopez-Perez, C. M., & Rodrigez-Ariza, L. (2011). Blended learning in Higher Education: Students’ Perceptions and Their Relation to Outcomes. Computers & Education, 56, 818-826.

Napier, N. P., Dekhane, S., & Smith, S. (2011). Transitioning to Blended Learning: Understanding Student and Faculty Perceptions. Journal of Asynchronous Learning Networks,, 15(1), 20-32

Pour en savoir plus

D'autres questions à explorer

  • Quel soutien offrir aux enseignants pour assurer le succès des cours hybrides?
  • Existe-t-il un ou plus d'un modèle idéal pour la conception de cours hybrides?
  • Y a-t-il des modifications à apporter aux conventions collectives des enseignants universitaires pour favoriser l'apprentissage hybride?

Notices biographiques

Titulaire d’un doctorat en Sciences de gestion de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne et d’un MBA de HEC Montréal, François Bédard est professeur au département d’études urbaines et touristiques de l’ESG UQAM depuis 1993. Il a dirigé de 2003 à 2013 le Centre international de formation et de recherche en tourisme (CIFORT). Initiateur en 2006 du Centre mondial d’excellence des destinations (CED) créé avec le concours de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), il en assure depuis la direction scientifique. Ses activités de recherche et d’enseignement portent principalement sur la gestion et le développement des destinations touristiques ainsi que sur les stratégies d’adaptation aux technologies de l’information et de la communication dans les services, en particulier dans les domaines du tourisme et de la formation supérieure.

 

Patrick Pelletier est professeur à l’École des sciences de l’administration de l’Université TÉLUQ. Détenteur d’un doctorat en management (HEC Montréal), il est spécialisé dans le domaine de la théorie des organisations. Ses travaux de recherche portent sur la gouvernance, le changement institutionnel et l’expertise pédagogique en enseignement supérieur. Il s’est vu décerné en 2014 le prix Sheffield par la Canadian Society for Higher Education et il est également récipiendaire du Prix 2016 de la Ministre de l'enseignement supérieur du Québec dans la catégorie Cours de la formation à distance.

 

Christiane Le Clech est spécialiste en sciences de l’éducation au Service technopédagogique de la TÉLUQ où elle travaille en collaboration avec des professeurs au développement et à la mise à jour de cours à distance. Elle est titulaire d'une maîtrise en technologie éducative avec mémoire de l’Université Laval. Elle cumule plusieurs années d’expérience en design pédagogique, tant en milieu universitaire que corporatif, et a accompagné nombre de professeurs et formateurs dans l’apprentissage des technologies de l’apprentissage en ligne.

Mentions de responsabilité

Cette capsule est une production de la Direction du soutien aux études et des bibliothèques (DSEB) en collaboration avec le Groupe d’intervention et d’innovation pédagogique (GRIIP)

Comité éditorial : François Guillemette, Céline Leblanc, Caroline Lessard, Marie-Michèle Lemieux et Lucie Charbonneau

Coordination : Lucie Charbonneau et Marie-Michèle Lemieux

Rédaction : François Bédard, Patrick Pelletier, Christiane Le Clech.

Correction : Isabelle Brochu et Mégane Girard