La mobilité étudiante dans les universités québécoises : un défi pour l'enseignant et l'étudiant

L'enseignant poursuit divers objectifs dont, entre autres, celui de donner les meilleures chances de réussite à tous et chacun. Comment s'assurer de rejoindre chacun des étudiants aux profils tout aussi variés les uns que les autres? La question se pose plus particulièrement lorsque l'on accueille des étudiants d'autres pays dans nos classes. 

Mise en situation

Isabelle enseigne dans un programme qui accueille de nombreux étudiants étrangers. Face à cette multiethnicité, elle se pose plusieurs questions.

  • Comment composer avec ces étudiants, de plus en plus nombreux dans les universités québécoises, qui proviennent d’un autre système éducatif?
  • Comment soutenir cette population étudiante dans la réussite de leurs études ?
  • Quel type d’apprenants sont-ils ?
  • Bref, comment accueillir ces étudiants dans les classes et permettre à tous de vivre des expériences enrichissantes ?

De son côté, Omar, étudiant étranger en provenance de l’Afrique, entreprend une session d’études au Québec. Avant de pouvoir se consacrer à ses études, ses premières journées sont dédiées à régler les nombreuses démarches administratives. Une fois en classe, Omar subit un choc: tout lui semble si différent de son système éducatif d’origine! Il découvre d’abord un environnement d’apprentissage très informatisé qu’il devra maîtriser le plus rapidement possible. Aussi, les pertes de repère sont nombreuses : la durée des cours, le système d’évaluation, les contenus enseignés, la relation avec les enseignants et les autres étudiants, etc., mais surtout la méconnaissance de ce qu’on attend de lui. Omar doit faire face à tous ces changements et s’y adapter rapidement pour compléter la première session, qui est la plus critique pour la réussite de son programme d’études.

Comment effectuer cette transition d’un système à un autre de façon efficace ?

Pourquoi?

POURQUOI UTILISER UNE INTERVENTION PÉDAGOGIQUE FAVORISANT L’AFFILIATION DE L’ÉTUDIANT ÉTRANGER AU SYSTÈME UNIVERSITAIRE QUÉBÉCOIS ?

  1. Depuis quelques années, les étudiants étrangers sont de plus en plus nombreux à poursuivre des études dans les universités québécoises.
  2. L’entrée à l’université des étudiants étrangers est problématique parce qu’ils vivent une double affiliation: une première parce qu’ils sont souvent de nouveaux étudiants universitaires, et une seconde parce qu’ils sont étrangers.
  3. Certains enseignants sont peu familiers avec les caractéristiques et les besoins des étudiants étrangers. Ils ne savent pas s’ils doivent adopter une pédagogie universitaire plus inclusive afin de favoriser la réussite de tous les étudiants.
  4. De leur côté, les étudiants étrangers arrivent dans le système universitaire québécois dont ils ne connaissent pas les exigences. Ils amènent avec eux un ensemble de façons de faire qui les ont servis dans leur système éducatif d’origine. Toutefois, ces pratiques ne sont pas nécessairement adéquates dans le cadre de leurs études à l’étranger.
  5. Pour réussir, l’étudiant étranger doit alors s’approprier les normes et les façons de faire de son nouveau milieu, et plus celles-ci seront différentes de son ancien milieu, plus la période de transition sera longue (Carroll et Ryan, 2005).

Quoi?

LES VARIABLES ÉDUCATIVES

Le passage d’un système éducatif à un autre entraîne certaines disparités. En effet, chaque système présente des caractéristiques, des modes de fonctionnement, des normes et des règlements qui lui sont propres. Ces disparités sont en fait des ruptures liées au passage d’un contexte pédagogique familier à un environnement étranger. Selon Groux et Porcher (2000), ces particularités, qu’on appelle variables éducatives, ont trait, entre autres, aux facteurs suivants :

  • Il peut exister des disparités entre les manières d’enseigner et les manières d’apprendre.
  • Les cursus des programmes peuvent être très différents.
  • Le contenu de la matière (discipline) varie d’un système à un autre.
  • La formation des enseignants n’est pas la même.
  • L’évaluation des étudiants ne se fait pas de la même façon.
  • Les relations des étudiants avec les professeurs et avec la hiérarchie scolaire sont différentes selon les systèmes.
  • Le rôle de l’enseignant varie, à savoir ce qu’il tolère, ce qu’il interdit, ce qu’il loue ou stigmatise. Le rapport à l’autorité est différent.
  • Les calendriers scolaires et les séquences pédagogiques diffèrent, tels le nombre de semaines d’enseignement par année, le nombre de cours par jour, le nombre d’heures par cours, etc.
  • L’aménagement physique n’est pas identique d’un système à un autre si l’on considère, par exemple, l’utilisation des espaces et ses fonctions.

Ce que nous dit la recherche

Les quatre étapes de l’affiliation de l’étudiant étranger au cours de sa 1re session d’études

Les disparités entre systèmes éducatifs représentent des obstacles que l’étudiant étranger doit surmonter pour s’affilier à son nouvel environnement. Confronté plus particulièrement à des méthodes d’enseignement qui lui sont étrangères, l’étudiant doit adapter ses comportements et adopter des stratégies d’apprentissage en conséquence (Pederson, 1991).

Une recherche de Giroux (2012) permet de mieux comprendre ce processus d’affiliation de l’étudiant face à ses façons de faire en contexte universitaire québécois :

mobilité

Comment?

ENCADRER LES ÉTUDIANTS DANS LEUR PROCESSUS D’AFFILIATION

« Lorsqu’on n’a jamais rencontré un autre système éducatif comme étudiant ou enseignant, notre seule référence est le nôtre, et on a peine à imaginer qu’il puisse exister d’autres modes d’organisation, d’autres découpages disciplinaires, un autre rythme scolaire, d’autres modalités d’évaluation » (Groux et Porcher, 2000, p. 178).

La présence accrue d’étudiants étrangers dans les classes peut inciter les enseignants à réfléchir à leurs pratiques. La recherche apporte à l’enseignant des suggestions pour répondre aux besoins des étudiants étrangers et pour favoriser leurs apprentissages dans leur nouvel environnement (Carroll et Ryan, 2005). S’il n’est pas possible pour les enseignants de connaître l’expérience scolaire et les attentes des étudiants étrangers inscrits à leur cours, ils peuvent toutefois compenser par l’utilisation de stratégies qui aideront les étudiants à mieux connaître la culture universitaire et à s’adapter à leur nouvel environnement scolaire. Une de ces stratégies consiste à être très explicite dans les consignes et les informations transmises aux étudiants afin que ces derniers comprennent rapidement les règles et les normes à respecter dans leur nouveau système éducatif. Il serait présomptueux de croire que ces étudiants connaissent nos façons de faire à leur arrivée. C’est pourquoi une information claire, sans équivoque, sur les pratiques à mettre en place en contexte universitaire québécois laisse peu de doute dans l’esprit de l’étudiant. Il est particulièrement important d’être explicite à propos des trois éléments d’informations suivants :

Les méthodes pédagogiques utilisées

Plusieurs étudiants étrangers sont issus d’un système éducatif où la transmission de la matière ne se réalise que dans le cadre du cours où l’enseignant est le seul à parler. Il est donc opportun d’expliquer aux étudiants les bénéfices des discussions en classe et l’importance du travail personnel à réaliser à l’extérieur de la classe. Ces précisions permettront aux étudiants de mieux comprendre ce qu’on attend d’eux.

Les éléments d’évaluation

Il est fortement suggéré d’être explicite pour ce qui est des dates d’examens et de remises des travaux. De plus, il faut préciser les règles de présentation et de rédaction ainsi que le nombre de page maximal à respecter pour les travaux. Enfin, il est suggéré d’expliquer aux étudiants que de remettre un travail plus long que ce qui exigé n’est pas un gage de meilleure qualité.

La relation étudiant-enseignant

Il est important de clarifier le rôle de l’enseignant et d’informer les étudiants sur ce qu’ils doivent et ne doivent pas attendre d’eux. Dans le système québécois, l’enseignant ne représente pas une figure parentale et n’a pas à résoudre les problèmes personnels des étudiants. De plus, il est suggéré d’informer les étudiants des périodes de disponibilité de l’enseignant à son bureau.

Finalement...

La présence d’étudiants étrangers dans la classe peut représenter une occasion unique pour l’enseignant de favoriser la communication interculturelle entre les étudiants, leur permettant ainsi d’intervenir dans un environnement riche d’expériences de toute sorte.

Références

Caroll, J. et Ryan, J. (2005). Canaries in the coalmine : International students in western universities. Dans Caroll, J. et Ryan, J. (Dir.). Teaching international students : Improving learning for all. London : Routledge.

Cortyazzi M. et Jin L. (1997). Communication for learning across cultures. Dans McNamara D. et Harris, R. Overseas students in higher education : Issues in teaching and learning. London : Routledge.

Coulon, A. (1997). Le métier d’étudiant : l’entrée dans la vie universitaire. Paris : Presses universitaires de France.

Giroux, L. (2012). L’autorégulation de l’apprentissage comme levier à l’affiliation d’étudiants étrangers dans le système universitaire québécois. Thèse de doctorat inédite, Université du Québec à Montréal.

Groux, D. et Porcher, L. (2000). Les échanges éducatifs. Paris : L’Harmattan.

Pour en savoir plus

D'autres questions à explorer

  • Quelles mesures de réussite les universités peuvent-elles mettre en place pour aider les étudiants étrangers dans leurs études ?
  • Comment développer des pratiques innovantes pour répondre aux exigences de la diversité culturelle dans les classes ?

Notice biographique

Louise Giroux, chargée de cours au département des sciences de l'éducation et agente de recherche au bureau de la réussite étudiante de l’UQTR, propose quelques pistes pédagogiques pour assurer l'affiliation de l'étudiant étranger dès sa première session.

Mentions de responsabilité

Cette capsule est une production de la Direction du soutien aux études et des bibliothèques (DSEB) en collaboration avec le Groupe d’intervention et d’innovation pédagogique (GRIIP)

Comité éditorial : François Guillemette, Céline Leblanc, Marie-Michèle Lemieux, Lucie Charbonneau et Caroline Lessard

Coordination : Marie-Michèle Lemieux

Rédaction : Louise Giroux

Correction : Isabelle Brochu et Dominique Papin