La discussion réflexive et l’approche par enquête : des activités socioconstructivistes basées sur le questionnement pédagogique

La discussion réflexive a pour but de faire réfléchir les étudiants sur les contenus qui leur sont proposés en classe. Cette stratégie, qui tire ses fondements de l'apprentissage par enquête, amène les étudiants à créer des liens entre ce qu'ils voient dans un cours et des connaissances plus concrètes issue de leurs expériences. Ce numéro expose des pistes à explorer pour tout enseignant qui souhaite dynamiser son cours et favoriser le développement de la pensée critique chez ses étudiants.

Mise en situation

Mélanie est une doctorante en histoire de l’art qui, pour la première fois, obtient une charge de cours à l’université. Le sujet du cours est très près de son domaine de recherche. Elle se sent donc très à l’aise avec les contenus du plan de cours. Elle a entendu parler d’une méthode d’enseignement qui s’appelle la discussion réflexive et se demande si cette méthode est pertinente pour ce cours.

Consciente de ses forces, elle sait qu’elle maîtrise la matière sur le bout de ses doigts et qu’elle est une bonne oratrice. Étant de nature engagée, elle adore se questionner et prendre part à des débats sur différents sujets.

Elle aimerait bien pouvoir discuter et débattre de questions liées au contenu de son cours avec ses étudiants, mais ne sait pas comment s’y prendre. Elle ne connaît bien que l’enseignement magistral et les travaux d’équipe comme stratégies pédagogiques. E

lle se demande si la discussion réflexive fait partie des stratégies qui mettent réellement les étudiants en action et qui les amènent à s’engager dans une réflexion personnelle, de telle sorte qu’ils peuvent dépasser la simple réception de connaissances.

Elle décide donc de consulter la conseillère pédagogique de son université pour discuter de la discussion réflexive.

 

* Le genre masculin utilisé dans ce document désigne aussi bien les femmes que les hommes et n’a pour but que d’alléger le texte

Pourquoi?

CINQ RAISONS D’UTILISER LA DISCUSSION RÉFLEXIVE

  1. 1. La discussion réflexive contribue à donner un sens à la matière que doivent apprendre les étudiants.
  2. Cette stratégie pédagogique permet aux étudiants de faire des liens entre le contenu de cours et quelque chose de concret.
  3. Elle permet aux étudiants de contribuer à la construction des apprentissages de tout un chacun.
  4. C’est une façon dynamique de présenter le contenu d’un cours.
  5. Elle contribue au développement de l’esprit critique sur des questions liées à l’exercice de la future profession des étudiants.

Quoi?

LA DISCUSSION RÉFLEXIVE ET SON LIEN AVEC L’APPROCHE PAR ENQUÊTE

La discussion réflexive est une stratégie d’enseignement constructiviste où les étudiants sont amenés à réfléchir sur différentes questions liées aux contenus du cours. Cette activité d’enseignement, fondée sur l’approche par enquête (inquirybased learning) (Sharratt et Planche, 2016), a pour objectif d’amener les étudiants à réfléchir sur la matière du cours ainsi que sur les liens qu’ils peuvent effectuer avec des éléments plus concrets de leur expérience ou de leur profession.

Le modèle présenté ici explique la dynamique de l’approche par enquête. À partir des questions introduites par l’enseignant, les étudiants parcourent les lectures, avec en tête, une problématique à investiguer. Ils créent par la suite eux-mêmes les liens qui unissent les questions à la matière. Ces liens feront ensuite l’objet d’une discussion en sous-groupe puis d’une réflexion en grand groupe. Contrairement à une simple lecture théorique, cet exercice permet aux étudiants de passer à un niveau supérieur d’analyse (Anderson et al., 2001) et, de ce fait, construire une vision plus nuancée de la problématique traitée dans le contexte du cours.

Approche par enquête

Image adaptée de : http://peakeducationalresources.blogspot.ca/2013/03/inquiry-based-learning.html?spref=tw

Ce que nous dit la recherche

LES RETOMBÉES DE L’APPROCHE PAR ENQUÊTE

Les enseignants sont amenés de plus en plus à agir comme des facilitateurs afin d’amener l’étudiant à construire lui-même ses savoirs et ainsi améliorer sa compréhension du phénomène à l’étude (Vienneau, 2017). L’approche par questionnement (Plush, Sally, Kehrwald et Benjamin, 2014) et l’approche par enquête contribuent au développement d’habiletés de pensées supérieures (Byker et al., 2017). Cette stratégie pédagogique a fait l’objet d’une étude auprès d’étudiants en première année d’enseignement dans une université publique du sud-est des États-Unis (Byker et al., 2017). Les résultats indiquent que, grâce à cette méthode, les étudiants ont développé une meilleure compréhension de la complexité de certains enjeux liés à leur futur métier. Dans cette recherche, la démarche proposée aux étudiants est plus exhaustive (collecte de données, écriture d’un rapport…) que celle utilisée par les auteurs de ce texte. Par contre, les chercheurs stipulent que le questionnement et la réflexion sont la fondation de la démarche effectuée par les étudiants.

De plus, selon Tardif et Meirieu (1996), le fait d’utiliser un cadre où les connaissances particulières (au contenu de cours) et les stratégies générales (comme le processus de questionnementréflexion) sont en interactions constantes, cela contribue au transfert des connaissances théoriques vers une perspective opérationnelle. De plus, ce type de démarche cyclique permet aux étudiants d’intégrer plus facilement ces stratégies générales.

Comment?

LE FONCTIONNEMENT DE LA DISCUSSION RÉFLEXIVE

Il arrive assez souvent qu’un enseignant universitaire indique aux étudiants les documents qu’ils devront lire en préparation du cours suivant. Cette méthode « classique » peut décourager certains étudiants à s’engager dans une lecture active puisqu’ils ne perçoivent pas toujours le lien avec leur future profession ou le sens réel de la tâche. Par contre, la discussion réflexive amène un objectif précis à l’étudiant lors de sa lecture : il doit se préparer à un échange en communauté d’apprentissage en répondant à des questions qui l’incitent à approfondir davantage le niveau de sa lecture et la compréhension qu’il en a.

Plusieurs éléments de la démarche expliquée ci-dessous peuvent être ajustés selon les besoins des étudiants et ceux de l’enseignant universitaire. La personne responsable du cours doit faire preuve de créativité, mais aussi de logique, tant dans la formulation des questions que dans l’organisation du temps et de l’espace de discussion. Voici la démarche utilisée par les auteurs de ce texte lors d’un cours sur l’historique du système scolaire québécois.

À la fin du cours, l’enseignant universitaire mentionne les chapitres ou les notes de cours à lire pour la prochaine rencontre. Par la suite, il présente les questions d’analyse que les étudiants devront garder en tête lors de leur lecture. Il peut également leur suggérer de garder une feuille de note près d’eux lorsqu’ils parcourent les différents textes afin de garder des traces de leurs réflexions au fur et à mesure. Les questions sont construites afin de non seulement faire le lien entre la théorie et l’exercice de la profession, mais aussi de les amener à prendre position. Voici des exemples de questions posées dans le cadre du cours sur l’historique du système scolaire québécois :

  • Durant la période du Régime français, on constate une emprise marquée de l’Église sur l’éducation, est-ce une bonne chose? Quelle incidence cela a-t-il aujourd’hui?
  • Quels liens faites-vous entre les politiques du Régime anglais et le portrait éducatif québécois d’aujourd’hui?
  • Concernant la place accrue de l’État dans le monde scolaire, que pensez-vous de l’instauration d’inspecteurs et d’examinateurs? Devrait-il y en avoir encore aujourd’hui?

Pour le cours suivant, les étudiants doivent préparer une réflexion allant d’un mot à un paragraphe afin de partager leurs idées avec leurs coéquipiers, et ce, pour chacune des questions. Au début du cours suivant, l’enseignant forme les équipes selon la taille du groupe. Par la suite, il met un décompte au tableau selon le temps dont les équipes disposent pour l’activité, le nombre de questions à l’étude, etc. (peut varier entre 2 et 5 minutes par question). Pour une activité d’environ 1 h 30, il est suggéré de laisser environ 3 minutes par question afin d’avoir un temps de débat suffisant. Lorsque le temps est écoulé, chacune des équipes énonce un seul élément de réflexion à l’ensemble du groupe. Une fois que les équipes ont toutes pris la parole, un moment d’échange libre est orchestré par l’enseignant où n’importe quel membre des équipes peut commenter, réfuter ou bonifier la réflexion des autres équipes. Le même processus est ensuite repris pour chacune des questions.

À la fin de l’activité, l’enseignant effectue une synthèse des réflexions à partir de notes qu’il a prises durant la réflexion des étudiants. Il peut rendre disponibles les notes sous forme de diapositives PowerPoint ou encore encourager les étudiants à noter les éléments durant la synthèse. Finalement, il peut aussi décider de partager au groupe ses propres réponses aux questions ainsi que ses réflexions.

Afin d’aller encore plus loin dans la méthode, les étudiants peuvent agir à titre d’animateurs, à tour de rôle, une fois qu’ils ont intégré la démarche proposée par l’enseignant. Ainsi, ils peuvent déterminer d’avance les questions à poser au groupe, animer les discussions et préparer la synthèse.

Références

Anderson, L. W., Krathwohl, D. R., Airasian, P. W., Cruikshank, K. A., Mayer, R. E., Pintrich, P. R., Raths, J. et Wittrock, M. C. (2001). A taxonomy for learning, teaching, and assessing: A revision of Bloom’s Taxonomy of Educational Objectives. New York, NY : Longman.

Byker, E. J., Coffey, H., Harden, S., Good, A., Heafner, T. L., Brown, K., et Holzberg, D. (2017). Hoping to Teach Someday? Inquire Within: Examining Inquiry-Based Learning with First-Semester Undergrads. Journal of Inquiry and Action in Education, 8(2), 54-80.

Plush, S. E. et Kehrwald, B. A. (2014). Supporting New Academics' Use of Student Centred Strategies in Traditional University Teaching. Journal of University Teaching and Learning Practice, 11(1), 1-14.

Sharratt, L. et Planche, B. (2016). Leading collaborative learning. Empowering excellence. Thousand Oaks, CA : Corwin.

Tardif, J. et Meirieu, P. (1996). Stratégie pour favoriser le transfert des connaissances. Vie pédagogique, 98(7), 4-7.

Vienneau, R. (2017). Apprentissage et enseignement : théories et pratiques. Montréal, Canada : Gaëtan Morin.

Pour en savoir plus

  • Le principe de questionnement à des fins pédagogiques et différentes façons de questionner : Maulini, O. (2005). Questionner pour enseigner et pour apprendre. Le rapport au savoir dans la classe. Issy-les-Moulineaux, France : ESF
  • La démarche par enquête et ses bases (en anglais)
  • L’apprentissage à partir d’enquête, l’apprentissage à partir de problèmes et l’apprentissage par étude de cas : Walker, A., Leary, H, Hmelo-Silver, C. et Ertmer, P.A. (2015). Essential readings in problem-based learning. West Lafayette, Ind. : Purdue University Press.

D'autres questions à explorer

  • Quelles méthodes d’évaluation pourraient être cohérentes avec une telle approche?
  • Quelles autres stratégies pédagogiques sont inspirées du courant constructiviste?
  • Quelles autres stratégies pédagogiques sont efficaces pour l’utilisation des lectures obligatoires?

Notices biographiques

Benoit S. Tellier est chargé de cours à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Il est détenteur d’un diplôme de programme court (2e cycle) en administration scolaire de l’UQTR et y termine actuellement une maîtrise en fondements et environnement de l’éducation. Passionné par les méthodes d’enseignements dites « actives », il s’intéresse particulièrement au développement des compétences transversales en milieu scolaire primaire alternatif. 

Alain Huot est professeur en administration de l’éducation à l’UQTR. Il intervient dans les cours du DESS en administration de l'éducation où il tente, par différentes approches, de sortir des sentiers de la pédagogie traditionnelle. De plus, dans ses recherches, il s'intéresse notamment aux problématiques de santé des gestionnaires (scolaires), à l'utilisation des TIC dans la gestion et aux processus de gestion visités sous l'angle des rôles, de l'efficacité et de l'efficience stratégique et opérationnelle. Les rapports humains/organisationnels sont au cœur de ses travaux de recherche. Il est chercheur au Lab e3c ainsi qu'au CRIFPE. Il agit également à titre de président du GRIIP et de l’ADERAE.

Mentions de responsabilité

Cette capsule est une production de la Direction du soutien aux études et des bibliothèques (DSEB) en collaboration avec le Groupe d’intervention et d’innovation pédagogique (GRIIP)

Comité éditorial : François Guillemette, Céline Leblanc, Claude Boucher et Véronique D’Amours

Coordination : Véronique D’Amours

Rédaction : Benoit St-Amand-Tellier et Alain Huot

Correction : Isabelle Brochu et Dominique Papin