La conception de cours à distance

Depuis ses débuts, l'enseignement à distance en milieu universitaire a beaucoup évolué. Cette pratique prend d'ailleurs de l'expansion chaque année et de nombreux professeurs sont appelés à créer des cours sous cette forme. Dans ce premier numéro de l'année du bulletin Le Tableau, Josianne Basque et Marilyn Baillargeon proposent des pistes concrètes permettant de s'orienter dans la conception d'un cours à distance. 

Mise en situation

Justine est professeure en gestion des ressources humaines (GRH). Cette année, un nouveau défi lui a été confié : concevoir un cours à distance. Or, les rouages de la GRH et les compétences qui s’y rapportent peuvent-ils réellement s’apprendre à distance? Sceptique à cette idée, la signification de cette formule restait à démontrer!

Avec un tel cours à son horaire, elle pensait toutefois qu’il lui serait possible de sauver du temps de planification et de présence en classe. Il lui suffirait de déposer ses textes, ses présentations et ses références sur le site Web du cours. Voilà qui lui permettrait de se concentrer davantage sur ses activités de recherche!

Son cours maintenant terminé, elle réalise que ses perceptions étaient bien loin de la réalité. Ce dernier lui a demandé autant (sinon plus!) d’efforts et de travail qu’un cours en présence.

Bien que déstabilisante, cette expérience lui a beaucoup plu : même virtuels, les échanges avec les étudiants ont été particulièrement riches et l’ont orientée dans l’enseignement de ce cours. Nombreuses ont été les occasions d’expliciter certaines notions clés, tout comme ses attentes et ses exigences.

Son plus grand défi? La médiatisation! Avec les ressources à sa disposition et l’expertise de ses collaborateurs, elle est certaine d’avoir fait les choix qui correspondaient le mieux aux objectifs du cours, à son style d’enseignement et au profil des étudiants. Elle a entre autre construit des tests interactifs et des capsules audio-vidéo dont elle est bien fière.

Enthousiaste, Justine a déjà en tête de nouveaux cas intéressants à étudier, des ressources à partager, des activités à développer, etc. Et ce, sans compter la conception du nouveau cours à distance qu’elle souhaite développer l’an prochain!

Pourquoi?

QUATRE DÉFIS À RELEVER DANS LA CONCEPTION DES COURS À DISTANCE

  1. Le défi de l’autonomie de l’étudiant. Suivre un cours partiellement ou entièrement à distance exige beaucoup d’autonomie de la part des étudiants. Il importe donc de bien cerner leurs profils d’apprenants sur le plan cognitif et sur le plan socioaffectif, afin d’anticiper leurs éventuelles difficultés et de mettre à leur disposition des ressources visant à les rendre plus autonomes et persévérants.
  2. Le défi d’une pédagogie explicite. Pour que l’étudiant puisse cheminer par lui-même, le scénario pédagogique doit être explicite. Une attention toute particulière doit être portée à la formulation des cibles d’apprentissage ainsi qu’à la démarche d’apprentissage proposée, tout en laissant à l’étudiant la possibilité de faire des choix et de contextualiser sa démarche d’apprentissage, en fonction de ses intérêts, ses besoins et ses objectifs.
  3. Le défi d’une conception collaborative. La conception d’un tel cours nécessite de mobiliser une diversité de compétences. Même s’il demeure l’unique responsable de son cours, le professeur gagne à profiter de l’expertise et de l’expérience d’autres acteurs (tuteurs, professionnels pédagogiques, programmeurs, infographes, spécialistes du multimédia, etc.).
  4. Le défi de la médiatisation du cours. Les options qui s’offrent aujourd’hui au professeur quant au format médiatique à donner au cours et aux activités pouvant être réalisées à distance sont multiples. Il faut donc faire un choix éclairé en matière de médiatisation, motivé avant tout par des préoccupations d’ordre pédagogique.

Quoi?

UN COURS À DISTANCE : DE QUOI PARLE-T-ON AU JUSTE?

Pour Deschênes et al. (1996, dans Deschênes et Maltais, 2006, p. 16), la formation à distance est une « pratique éducative privilégiant une démarche d’apprentissage qui rapproche le savoir de l’apprenant ». Dans un cours à distance, on cherche ainsi à réduire la distance spatiale et/ou temporelle séparant les deux mais, selon ces auteurs, cette distance peut aussi être de nature technologique, psychosociale et socio-économique.

Un cours à distance n’est pas nécessairement un cours en ligne, c’est-à-dire diffusé sur le Web. L’enseignement à distance existait bien avant Internet… Mais la formation à distance tire de plus en plus profit du potentiel offert par la technologie des réseaux au point où, pour plusieurs, les deux notions se confondent.

De fait, les modèles de cours à distance évoluent aujourd’hui à vive allure. Ils peuvent être offerts entièrement à distance ou partiellement à distance (on les appelle alors des cours hybrides ou mixtes).

Les cours offerts à distance en mode asynchrone permettent aux étudiants de réaliser les démarches d’apprentissage qui y sont proposées aux moments qui leur conviennent, que ce soit pour consulter les ressources d’apprentissage mises à leur disposition ou pour interagir avec le professeur ou les autres étudiants. Quant à la modalité synchrone, elle fait référence à des cours offerts à distance, mais à des moments déterminés en faisant appel à la vidéoconférence ou à la conférence Web. Les deux modalités peuvent aussi se conjuguer dans un même cours.

Ce que nous dit la recherche

L’ENSEIGNEMENT À DISTANCE EST-IL MOINS EFFICACE QUE L’ENSEIGNEMENT EN PRÉSENCE? SELON LES RECHERCHES, CE NE SERAIT PAS LE CAS!

Bernard et al. (2004), Sitzman et al. (2006), Means et al., (2009)

cours à distance 

Pour en savoir plus sur ces résultats de recherche...1

Comment?

DES PISTES POUR CONCEVOIR UN COURS À DISTANCE

Pour concevoir des cours à distance, les professeurs peuvent compter sur divers modèles, théories, méthodes et principes de design pédagogique. Pour en savoir plus...2

Voici quelques pistes :

Favoriser l’engagement actif de l’étudiant dans le cours :
  • Proposer des activités d’apprentissage variées, engageantes et se rapprochant de situations authentiques : résolution de problèmes, réalisation de projets, études de cas, réflexion critique sur sa démarche et ses apprentissages, jeu de rôles, autoévaluation de ses connaissances préalables, construction de cartes conceptuelles, exercices variés et de complexité progressive, consultation de clips vidéo et audio d’entrevues avec des experts, etc. Bref, aller au-delà du cours de type « livre à l’écran » accompagné d’examens avec des questions à choix multiples.
  • Proposer des activités favorisant l’interaction entre les étudiants et le travail collaboratif : élaboration d’un wiki ou d’une carte de connaissances en groupe; discussion dans un forum sur des expériences, des conceptions, des ressources, etc.; présentation de productions en conférence Web et critiques constructives partagées dans des espaces d’échanges; utilisation d’un outil de vote électronique pendant des présentations en conférence Web, etc. Si vous intégrez des espaces de discussion dans le cours, prévoyez des activités d’apprentissage à y faire.
  • Offrir des choix (entre plusieurs thèmes pour les travaux, plusieurs ressources, plusieurs parcours dans le cours, plusieurs types de supports, etc.).
  • Inviter les étudiants à faire des contributions au cours (rapporter des expériences, informations, ressources, etc.) dans des espaces partagés de discussion et de dépôt.
  • Proposer des ressources et activités complémentaires (des activités de mise à niveau et d’enrichissement, une webographie, etc.);

 

Accompagner l’étudiant dans son cheminement de manière synchrone et/ou asynchrone :
  • Offrir un accompagnement de groupe : on peut utiliser des moyens synchrones (ex : clavardage, conférence Web, etc.) ou asynchrones (forum de discussion, foire aux questions, etc.).
  • Offrir aussi un accompagnement individuel en cas de problèmes particuliers : courriel, conférence Web, etc.
  • Répondre le plus rapidement possible aux questions des étudiants.
  • Fournir des rétroactions sur les travaux, les contributions des étudiants, etc., et proposer des pistes pour les améliorer en utilisant, par exemple, la fonction « Commentaires » de Word.
  • Fournir des ressources méthodologiques pour réaliser les activités (guides, gabarits, glossaires, etc.).
  • Animer les espaces de discussion (professeur, tuteur, étudiants pouvant être désignés à tour de rôle, etc.).

 

Privilégier un format médiatique sobre et cohérent :
  • Utiliser des représentations variées pour présenter du contenu (textes, illustrations, narrations, schémas, graphiques, cartes, dessins, animations, vidéos, etc.).
  • Éviter les représentations graphiques et sonores non pertinentes au propos.
  • Offrir une représentation générale de la structure du cours (graphique, carte cliquable, etc.)
  • Utiliser des indices visuels pour mettre en évidence certains éléments importants.
  • Éviter la redondance entre l’audio et le texte (si possible, préférez l’audio pour expliquer une illustration, un graphe, etc.).

 

Pour d’autres pistes : Clark et Mayer (2011) et Horton (2012).

Références

Basque, J., Contamines, J. et Maina, M. (2010). Approches de design des environnements d'apprentissage. Dans B. Charlier et F. Henri (dir.), Apprendre avec les technologies (pp. 109-119). Paris, France : PUF.

Bernard, R. M., Abrami, P. C., Lou, Y., Borokhovski, E., Wade, A., Wozney, L., Wallet, P. A., Fiset, M. et Huang, B. (2004). How does distance education compare with classroom instruction? A metaanalysis of the empirical literature. Review of Educational Research, 74(3), 379-439.

Clark, R., Dessus, P. et Marquet, P. (2009). Entretien : À la recherche des ingrédients actifs de l’apprentissage. Distances et Savoirs, 7(1), 113-124. 

Clark, R. C. et Mayer, R. E. (2011). e-Learning and the Science of Instruction: Proven guidelines for consumers and designers of multimedia learning (3e éd.). San Francisco, CA : Pfeiffer.

Deschênes, A.-J. et Maltais, M. (2006). Formation à distance et accessibilité. Québec : Télé-université. 

Jonassen, D. H. (2000). Computers as mindtools for schools: Engaging critical thinking (2e éd.). Upper Saddle River, NJ : Prentice Hall.

Horton, W. (2012). E-Learning by design (2e éd.). San Francisco, CA: Wiley.

Kommers, P. A. M., Jonassen, D. H. et Mayes, J. T. (Eds.). (1992). Cognitive tools for learning. Berlin : Springer-Verlag.

Means, B., Toyama, Y., Murphy, R., Bakia, M. et Jones, K. (2009). Evaluation of evidence-based practices in online learning: A meta-analysis and review of online learning studies. Washington, D.C. : U.S. Department of Education. 

Sitzmann, T., Kraiger, K., Stewart, D. et Wisher, R. (2006). The comparative effectiveness of web-based and classroom instruction: A meta-analysis. Personnel Psychology, 59(3), 623–664.

 

Notes

1. « L’enseignement à distance est-il moins efficace  que l’enseignement en présence? Selon les recherches, cela ne serait pas le cas :

  • Bernard et al. (2004) ont examiné les résultats de 232 études comparant les effets de l’enseignement à distance à ceux l’enseignement en classe sur l’apprentissage, les attitudes envers le cours et la persévérance. Globalement, la  méta-analyse montre qu’il n’y a de différence significative entre les modalités d’enseignement sur ces trois mesures. Lorsque l’enseignement à distance synchrone est comparé à l’enseignement en présence, les effets sont meilleurs dans cette dernière modalité. Toutefois, lorsque l’enseignement à distance asynchrone est comparé à l’enseignement en présence, les effets sont meilleurs dans l’enseignement à distance.
  • Sitzman et al. (2006) ont analysé les résultats de 96 d’études comparant l’enseignement en ligne à l’enseignement en classe et concluent que la première modalité est 6 % plus efficace lorsqu’il s’agit de cours visant des connaissances déclaratives ou conceptuelles lorsque les méthodes d’enseignement sont semblables dans les deux modalités. Lorsqu’il s’agit de cours visant des connaissances procédurales, les effets sur l’apprentissage sont semblables dans les deux modalités. En outre, il ressort que la modalité mixte s’avère plus efficace que la modalité entièrement en ligne.
  • Une autre méta-analyse, plus récente encore (Means et al., 2009), fondée sur l’examen des résultats de 46 études menées pour la plupart auprès d’étudiants postsecondaires et des apprenants adultes, révèle que ceux ayant suivi un cours entièrement ou partiellement en ligne obtiennent en moyenne de meilleurs résultats à des mesures d’apprentissage que ceux ayant suivi le même cours en présence. Les avantages sont toutefois modestes.

Les chercheurs dans le domaine mettent cependant en garde contre une interprétation trop rapide de tels résultats puisque les cours dans chacune des deux modalités peuvent différer substantiellement les uns des autres et qu’il y a une grande variabilité dans les résultats des études. C’est avant tout la combinaison judicieuse des différentes composantes d’un cours qui est garante d’une meilleure efficacité, d’où l’importance de se référer aux principes d’un « bon » design pédagogique. Un cours mal conçu, qu’il soit offert à distance ou en présence, reste un cours mal conçu… Comme le dirait Clark (Clark, Dessus, Marquet, 2009), les « ingrédients actifs » dans l’enseignement, ce sont avant tout la méthode d’enseignement et les connaissances préalables des apprenants au moment d’aborder un cours. On peut ajouter que les technologies, parce qu’elles sont des outils de médiation de la pensée, peuvent aussi, lorsque bien choisies et utilisées, favoriser un engagement cognitif plus actif chez les étudiants (Jonassen, 2000; Kommers et al., 1992).

2. Pour concevoir des cours à distance, les professeurs peuvent compter sur une base de connaissances riches en modèles, théories, méthodes et principes de design pédagogique qui ont été développés par des chercheurs dans le domaine de la technologie éducative et dont plusieurs portent spécifiquement sur le design de cours à distance.  S’engager dans une démarche de design pédagogique consiste à prendre  une série de décisions de manière éclairée en vue de mettre en place les conditions les plus susceptibles de favoriser l’apprentissage, compte tenu des buts, des profils d’apprenants et du contexte d’apprentissage. Une telle démarche permet notamment d’augmenter la cohérence entre les diverses composantes du cours (buts, connaissances et compétences visées,  stratégies pédagogiques, activités d’apprentissage, activités d’évaluation des apprentissages, format médiatique de l’environnement et des ressources d’apprentissage, etc.). 

À travers la diversité des pratiques et méthodes de design de cours, on peut distinguer deux grandes approches : l’approche analytique et de l’approche pragmatique: l’approche analytique et l’approche pragmatique (Basque et al., 2010).  La première (voir figure 1) adopte une démarche plus systématique et implique généralement des processus d'analyse (profil des apprenants, compétences  visées, contenu, ressources existantes, etc.), de conception (architecture général du cours, scénario d’apprentissage, format médiatique, etc.), de développement (mise en forme de l’environnement et des ressources d’apprentissage, de diffusion du cours et d’évaluation du cours.  La seconde est fondée sur le prototypage rapide : on formule rapidement une première version du cours (ou d’une partie du cours) sur la base d’une analyse minimale, puis on la modifie par un processus continu d’évaluation formative, en faisant notamment participer activement des représentants des étudiants et d’autres experts à celui-ci. Il peut être bon de puiser à ces deux approches pour orienter le travail de conception de cours à distance.

Fig. 1 - Démarche de design pédagogique selon l’approche analytique
 

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Source : Josianne Basque, matériel du cours EDU 1030 Design pédagogique en formation d’adultes, TÉLUQ. 

Pour en savoir plus

D'autres questions à explorer

  • Comment interagir avec les étudiants dans un cours à distance?
  • Comment combiner efficacement la distance et la présence dans un cours hybride?
  • Comment évaluer les apprentissages dans un cours en ligne?

Notices biographiques

Josianne Basque est professeure en technologie éducative à la TÉLUQ depuis plus de dix ans. Elle est également chercheuse régulière au Centre de recherche  LICEF et à la Chaire en ingénierie cognitive et éducative ainsi que chercheuse associée au CEFRIO. Elle détient une grande expertise dans le domaine de la formation à distance et de l'ingénierie pédagogie.  

Enseignante et conceptrice pédagogique, Marilyn Baillargeon est spécialiste en sciences de l'éducation à la TÉLUQ. Depuis 2008, elle collabore étroitement avec les professeurs de l'École des sciences de l'administration au processus de développement des cours, programmes et autres projets de formation offerts à distance. Interpellée par les questions d'innovation et d'accompagnement pédagogiques, elle poursuit des études de 3e cycle en pédagogie de l'enseignement supérieur.

Mentions de responsabilité

Cette capsule est une production de la Direction du soutien aux études et des bibliothèques (DSEB) en collaboration avec le Groupe d’intervention et d’innovation pédagogique (GRIIP)

Comité éditorial : François Guillemette, Céline Leblanc et Lucie Charbonneau

Coordination : Lucie Charbonneau

Rédaction : Josianne Basque, Marilyn Baillargeon et Lucie Charbonneau

Graphisme : Direction des communications

Correction : Isabelle Brochu et Dominique Papin