Favoriser la persévérance chez les étudiants en rédaction de mémoire ou de thèse

La rédaction d'un mémoire ou d'une thèse s'apparente à la réalisation d'un marathon, où la persévérance est la clé du succès. Malgré les croyances, ce parcours peut être vécu de façon positive, mais cela nécessite la mise en place de certaines conditions favorables. À ce titre, le directeur/directrice de recherche joue un rôle de premier plan, en favorisant un engagement soutenu et régulier de la part de l'étudiant en rédaction. Ce présent Tableau propose au directeur/directrice de recherche des pistes d'intervention pour « coacher » les étudiants au fil de leur « marathon de rédaction ».

Mise en situation

Chantal, professeure d’université, supervise des étudiants aux cycles supérieurs depuis plusieurs années. Au fil de la rédaction de leur mémoire ou de leur thèse, elle constate que ces derniers font presque tous face à une baisse importante de motivation, et plusieurs manifestent l’envie d’abandonner, particulièrement à l’étape de la rédaction.

C’est le cas d’un de ses étudiants, Louis, qui lui a fait part de son envie de tout abandonner alors qu’il en est à la rédaction du chapitre des résultats de son mémoire de maîtrise. Chantal souhaite aider Louis en lui redonnant la motivation nécessaire pour qu’il puisse compléter avec succès la rédaction de son mémoire. Elle lui explique qu’on peut comparer la rédaction aux cycles supérieurs à un marathon. Alors que Louis performait bien lors des travaux de session (sprint), il doit maintenant parcourir de longues distances et, surtout, s’entraîner tous les jours.

Dans cette perspective, elle réfléchit avec lui à un horaire type de travail en lui suggérant de le rencontrer fréquemment et de discuter de sa motivation au fil du parcours, tel un entraîneur en action. Louis fait son possible, mais il a de la difficulté à consacrer du temps à la rédaction. Cependant, au fil de ses rencontres avec Chantal, il comprend l’importance de s’engager dans la rédaction, mais surtout ce que cela implique concrètement.

*Le genre masculin utilisé dans ce document désigne aussi bien les femmes que les hommes et n’a pour but que d’alléger le texte

Pourquoi?

CINQ RAISONS D’AIDER SES ÉTUDIANTS À PERSÉVÉRER DANS LA RÉDACTION DE LEUR MÉMOIRE OU DE LEUR THÈSE

  1. Un nombre important d’étudiants qui entament le doctorat ne diplôment pas (en 2009-2010, 61,4% ont obtenu leur doctorat (MELS, 2013).
  2. Pour une majorité d’étudiants au doctorat, les délais vont au-delà du temps normalement alloué à la complétion d’un diplôme aux cycles supérieurs, soit plus de cinq ans, ou 15,8 trimestres, en moyenne, en 2009-2010 (MELS, 2013).
  3. La qualité des interactions avec le directeur de recherche est importante (L’Italien, 2014).
  4. La prise en compte des besoins psychologiques des étudiants peut contribuer à la prévention de l’abandon (L’Italien, 2014).
  5. L’adoption de saines habitudes de rédaction dès le début des études supérieures favorise l’apprentissage et l’intégration de nouvelles connaissances en plus de permettre une meilleure production d’écrits scientifiques pendant et après la diplomation (Lyndsay, 2015).

Quoi?

L’ENCADREMENT DES ÉTUDIANTS DANS LE PROCESSUS DE RÉDACTION

À l’image d’un marathon, la rédaction d’un mémoire ou d’une thèse est un défi de longue haleine qui exige un engagement constant et récurrent. Persévérer au fil du parcours représente un défi de taille pour les étudiants, plutôt habitués à réaliser des sprints (ex. travaux de fin de session). Pour relever ce défi, la qualité de la relation avec leur directeur de recherche peut s’avérer déterminante, notamment à l’égard de leur motivation et leur sentiment de compétence (Lee, 2008 ; L’Italien, 2014).

Au fil du parcours, le directeur de recherche peut soutenir l’étudiant en favorisant à la fois son engagement envers la rédaction, mais également en soutenant explicitement un certain désengagement vis-à-vis des tâches « parasites », c’est à dire des tâches non prioritaires.

Ce que nous dit la recherche

COMMENT SOUTENIR L’ENGAGEMENT ENVERS LA RÉDACTION CHEZ LES ÉTUDIANTS (INSPIRÉ DE MURRAY, 2015)

engagement

Les travaux publiés par Murray à propos de la pertinence et des effets de la participation à des retraites de rédaction (2009; 2012; 2015) ont permis de mieux cerner en quoi il était nécessaire pour les étudiants, de s’engager à l’égard de la rédaction, et ce, cognitivement, physiquement et socialement. L’auteur mentionne aussi l’importance de se désengager des autres tâches du quotidien.

Comment?

SOUTENIR LA PERSÉVÉRANCE DES ÉTUDIANTS EN RÉDACTION EN ABORDANT LES DIFFÉRENTES FACETTES DE L’ENGAGEMENT ET DU DÉSENGAGEMENT

En tant que directeur de recherche, vous pouvez favoriser la persévérance de vos étudiants en discutant de l’importance et de la façon de mettre en place des conditions favorables à la rédaction. Selon les caractéristiques de vos étudiants, ciblez la ou les composantes de l’engagement (et du désengagement) qui semblent être plus problématiques.

Composante cognitive de l’engagement dans la rédaction
  • S’engager c’est… légitimer la rédaction comme tâche essentielle et prioritaire, ce qui se matérialise par le fait de refuser certaines tâches connexes et de laisser en suspens des tâches incomplètes dans le but de rédiger uniquement.
  • Se désengager c’est… normaliser le fait de prioriser la rédaction par rapport à d’autres tâches, qu’il soit question de réunions, de conférences académiques, de formations complémentaires, d’enseignement, etc. Cela implique de faire des choix et de s’y tenir.

 

Astuce1 : Définir des périodes de temps pour la rédaction.

Déterminez avec les étudiants les moments lors desquels ils s’engageront concrètement dans la rédaction et les moyens pris pour respecter cet horaire et limiter les distractions. Il est essentiel de revoir cet horaire avec les étudiants tout au long du processus, de discuter de son application et des ajustements nécessaires.

Astuce : Démystifier l’inspiration.

La phrase du siècle ne s’écrira pas en claquant des doigts. Suggérez à vos étudiants d’oser écrire même quand ils n’en ont pas envie et rappelez-leur qu’on ne peut être productif tout le temps. N’hésitez pas à souligner qu’il est préférable de créer des situations propices à la rédaction plutôt que d’attendre le contexte idéal, voire de patienter jusqu’à ce que surgisse l’inspiration.

 
Composante physique de l’engagement dans la rédaction
  • S’engager c’est… inscrire la tâche à l’agenda dans des périodes de temps normalement allouées au travail et dans des contextes propices. Trop souvent, la rédaction est relayée à des moments ou des contextes défavorables (par exemple après une journée de travail, dans un endroit où ils sont disponibles pour répondre à des demandes liées à d’autres projets).
  • Se désengager c’est… libérer l’espace physique des sources de distraction potentielles comme des dossiers non complétés, la connexion aux réseaux sociaux, etc. Il s’agit aussi de se créer un espace dédié à l’écriture, où il n’y aura pas de possibilité d’interruption.

 

Astuce : Diminuer la procrastination.

Lors d’une discussion entourant la planification de la rédaction, suggérez aux étudiants de réduire les intervalles de temps entre les périodes de rédaction. Cela vise à diminuer l’anticipation (souvent pire que la tâche en soi), ainsi que les probabilités de faire face au syndrome de la page blanche. Dédramatisez la procrastination en faisant appel à l’expérience d’autres étudiants – ou la vôtre – et identifiez les stratégies de procrastination subtiles qui paraissent légitimes pour qu’ils en prennent conscience, comme poursuivre infiniment la recherche d’articles plutôt que de commencer la rédaction.

 
Composante sociale de l’engagement dans la rédaction
  • S’engager c’est… pratiquer la rédaction comme tâche sociale et partagée. Cela peut se matérialiser par une participation à des séances de rédaction, à des groupes de soutien à la rédaction ainsi qu’à des retraites structurées.
  • Se désengager c’est… refuser une partie des demandes connexes au projet de recherche et accepter que cela puisse déplaire à ses pairs, à ses collègues, à son directeur de recherche. Cela implique également de se désengager (pour un temps précis et ciblé) des relations qui ne valorisent pas la rédaction, afin d’avoir le temps de s’engager dans les relations qui la facilitent.

 

Astuce : Discuter des aléas de la vie universitaire

Abordez la question de l’isolement vécu par de nombreux étudiants aux cycles supérieurs. Rappelez-leur également que la thèse ne devrait pas anéantir le réseau social et les loisirs. Les pauses, si elles sont régulières et vécues sans culpabilité, favoriseront le bien-être de l’étudiant et leur productivité lors des périodes centrées sur la rédaction.

 
Finalement…

définissez avec eux des objectifs de rédaction, puis effectuez un suivi de leur atteinte. Cela permettra de maintenir la motivation des étudiants et de renforcer leur sentiment de compétence. Les objectifs à fixer doivent être clairs et réalistes, réalisables à court terme de préférence et organisés selon la réalité et le calendrier de l’étudiant. N’hésitez pas à souligner aux étudiants que s’engager dans la rédaction avec d’autres étudiants qui vivent la même réalité peut avoir plusieurs effets positifs : inscrire et maintenir la rédaction à l’agenda; légitimer cette tâche par rapport aux autres tâches académiques; maintenir la motivation; être en contact avec une pression sociale positive, une source d’encouragement et d’empathie (Murray, 2012).

 

1. Les astuces sont adaptées du livre Assieds-toi et écris ta thèse (Belleville, 2014)

Références

Belleville, G. (2014). Assieds-toi et écris ta thèse! Trucs pratiques et motivationnels. Québec : Presses de l’Université Laval.

Lee, A. (2008). How Are Doctoral Students Supervised? Concepts of Doctoral Research Supervision. Studies in Higher Education, 33(3), 267-281.

Lindsay, S. (2015). What works for doctoral students in completing their thesis? Teaching in Higher Education, 20(2), 183-196.

L’italien, D. (2014). Persévérance aux études de doctorat (Ph. D.) modèle prédictif des intentions d'abandon. (Thèse (Ph. D.)), Université Laval. 

MELS (2013). Indicateurs de l’éducation : Édition 2012. 

Murray, R. et Newton, M. (2009). Writing retreat as structured intervention: margin or mainstream? Higher Education Research & Development, 28(5), 541-553.

Murray, R. (2012). Developing a community of research. British Educational Research Journal, 38(5), 783-800

Murray, R. (2015). Writing in Social Spaces : A Social Processes Approach to Academic Writing. London: Routledge

Pour en savoir plus

  • Le Tableau vol. 1 n.7 sur l’accompagnement des étudiants dans leur rédaction.
  • ABD Survival Guide, des trucs et astuces pour « survivre » à la rédaction aux cycles supérieurs.
  • Thèsez-vous ?, une offre de retraite de rédaction et de ressources en ligne pour aider vos étudiants à identifier les conditions favorables à leur rédaction.
  • PHD comics, pour illustrer avec humour ce que vos étudiants peuvent ressentir lors de la période de rédaction de leur mémoire ou de leur thèse.
  • Aspects Concrets de la Thèse, un des rares sites francophones sur le sujet.

D'autres questions à explorer

  • Quels sont les comportements spécifiques du directeur qui favorisent la mise en action de l’étudiant?
  • Quelle est la part de soutien qui peut être assumée par les pairs?
  • Quand doit-on pousser l’étudiant à se dépasser et quand doit-on l’encourager à se reposer et à penser à autre chose qu’à sa thèse?
  • Jusqu’où le directeur de recherche doit soutenir la persévérance des étudiants? Quand est-il préférable d’accepter un abandon?

Notices biographiques

Émilie Tremblay-Wragg est candidate au doctorat en éducation, chargée de cours à l'UQAM et cofondatrice des retraites de rédaction Thèsez-vous?. Ses principaux intérêts de recherche sont : la pédagogie universitaire, les stratégies pédagogiques diversifiées, la motivation à apprendre et la formation des enseignants. 

Sara Mathieu-C. est candidate au doctorat en psychopédaggie à l'Université de Montréal, chargée de cours au département des sciences de l'activité physique à l'UQAM et cofondatrice des retraites de rédaction Thèsez-vous?. Ses travaux concernent l'éducation à la sexualité, les jeux sérieux, le transfert de connaissances et, plus récemment, les pratiques rédactionnelles en milieu académique, ainsi que l'entrepreneuriat social. 

 Geneviève Belleville est professeure à l’École de l’Université Laval. Ses intérêts de recherche et de clinique portent sur les troubles anxieux, les troubles de l’humeur et les problèmes de sommeil. Son intérêt pour les difficultés aux études doctorales s’est concrétisé par des recherches publiées et en cours sur la détresse psychologique des étudiants universitaires. Depuis la publication d’un livre s’adressant aux étudiants doctoraux, elle a été invitée à de nombreuses reprises à donner des conférences sur les défis de la rédaction scientifique. En 2016, elle a reçu un prix soulignant la qualité de son mentorat auprès des étudiants doctoraux de la part de la Faculté des Sciences Sociales de l’Université Laval.

Mentions de responsabilité

Cette capsule est une production de la Direction du soutien aux études et des bibliothèques (DSEB) en collaboration avec le Groupe d’intervention et d’innovation pédagogique (GRIIP)

Comité éditorial : Martine Peters, Céline Leblanc, Caroline Lessard, Marie-Michèle Lemieux et Lucie Charbonneau

Coordination : Lucie Charbonneau et Marie-Michèle Lemieux

Rédaction : Emilie Tremblay-Wragg, Sara Mathieu-C.et Geneviève Belleville

Correction : Isabelle Brochu et Mégane Girard

Thème(s)