Adapter son enseignement aux étudiants dyslexiques

Adapter son enseignement aux étudiants dyslexiques en tenant compte des exigences, des objectifs et des compétences visés par un cours, c'est possible! C'est peut-être même plus simple qu'on le pense. Les accommodements proposés par les auteures Ruth Philion et Martine De Grandpré sont peuvent facilement être intégrés dans un cours et ils sont souvent utiles pour tous les étudiants. 

Mise en situation

Jean est un étudiant dyslexique inscrit en première année au programme d’histoire. Il demande à ses professeurs l’autorisation d’enregistrer les cours et d’avoir des prolongations pour effectuer les travaux. Il demande aussi d’effectuer des examens maison plutôt que des examens en contexte de classe, alléguant que c’est la seule modalité d’évaluation lui permettant de vraiment démontrer l’appropriation des connaissances visées par le cours. Ces accommodements font partie de la liste des recommandations présentées dans son rapport d’évaluation neuropsychologique.

Bien que deux de ses professeurs accèdent à toutes ses demandes, trois professeurs s'interrogent sur la légitimité de ces accommodements, surtout celui concernant les examens, estimant que les examens maison ne permettent pas de mesurer l’acquisition des notions spécifiques au cours de la même manière qu’une situation d’examen standard. Ces derniers communiquent avec l’orthopédagogue du Service pour les étudiants en situation de handicap de l’université afin de discuter de la situation et d’examiner d’autres options.

L’orthopédagogue leur explique que bien que l’étudiant ait des besoins spécifiques et qu’il soit justifié de lui offrir des accommodements en situation d’examen, d’autres modalités que les examens maison peuvent effectivement lui être offertes et méritent d’être explorées. Leur discussion les amène à parler de dyslexie en contexte universitaire, des concepts d’égalité et d’équité et des accommodements qu’ils peuvent offrir pour les travaux et les examens. Enfin, la rencontre leur a aussi permis d’identifier des stratégies d’enseignement pouvant faciliter l’apprentissage des étudiants ayant un trouble d’apprentissage incluant les étudiants dyslexiques et ils souhaitent maintenant intégrer certaines de ces stratégies dans leur cours.

Pourquoi?

CINQ RAISONS POUR LESQUELLES UN ENSEIGNANT DEVRAIT S’INTÉRESSER À LA SITUATION DES ÉTUDIANTS DYSLEXIQUES

  1. Un nombre croissant d’étudiants dyslexiques fréquentent l’université.
  2. La dyslexie a des effets bien différents sur chaque étudiant selon son histoire scolaire, son expérience et les caractéristiques du programme d’études
  3. La lecture, essentielle à la réussite des études supérieures, reste laborieuse et lente pour plusieurs individus atteints de dyslexie.
  4. Les étudiants dyslexiques peuvent avoir besoin de mesures de soutien et d’accommodement.
  5. L’équité est une valeur prônée par notre société et l’égalité des chances pour tous doit prévaloir.

Quoi?

UNE DÉFINITION DE LA DYSLEXIE

« Dyslexie, ou trouble spécifique de la lecture, est un terme qui renvoie à la présence de difficultés dans l’acquisition de cette habileté. Ce trouble apparaît dès les premiers moments de l’apprentissage de la lecture, lorsqu’on enseigne à l’enfant à saisir et à traduire les graphies, les phonèmes et les sons des lettres, en somme à décoder les mots […] Ses causes sont d’origines neurologique et génétique » (Dubois et Roberge, 2010).

Il s’agit d’un trouble permanent de la fonction du langage écrit comportant des facettes multiples qui évoluent avec l’âge, selon l’intensité du trouble et des circonstances de la vie de chacun.

Ce que nous dit la recherche

LES MESURES DE SOUTIEN OFFERTES AUX ÉTUDIANTS DYSLEXIQUES AUGMENTENT CONSIDÉRABLEMENT LEURS CHANCES DE RÉUSSITE

(Wolforh et Roberts, 2010)

dyslexie

Comment?

UTILISER DES STRATÉGIES D’ENSEIGNEMENT FACILITANT L’APPRENTISSAGE DES ÉTUDIANTS DYSLEXIQUES

Le profil des étudiants ayant une dyslexie varie beaucoup d’un individu à l’autre. Certains ont su développer des stratégies compensatoires efficaces au fil de leur scolarité, plusieurs continuent de démontrer une lecture laborieuse et lente (150 à 200 mots/minute) comparativement à leurs collègues n’ayant aucun trouble d’apprentissage (600 à 800 mots/minute). Cela s’accompagne souvent d’une perte de sens, les obligeant à relire et à consacrer de deux à trois fois plus de temps et d’énergie que leurs collègues à la lecture.

Ainsi, plusieurs de ces étudiants ont besoin de mesures de soutien et d’accommodement. C’est une question d’équité : tous doivent avoir accès à un milieu universitaire les aidant à surmonter les défis relatifs à leur situation singulière. Toutefois, ces mesures et ces accommodements sont offerts en tenant compte de la finalité (exigences, objectifs et compétences visés) des cours et du programme d’études.

En situation d’enseignement, il est possible de mettre en place des mesures simples et efficaces qui s’avèrent tout aussi utiles aux étudiants n’ayant aucun trouble d’apprentissage :

  • Amorcer chaque séance de cours en revoyant le contenu présenté antérieurement et en fournissant un résumé des thèmes qui seront abordés;
  • Écrire les notes de cours avec des polices en 12 ou 14 points et sans empattements (ex. : Trebuchet MS, Verdana, Arial ou Geneva);
  • Permettre l’accès aux notes de cours (ex : diapositives) avant les cours;
  • Résumer les points importants à la fin du cours au tableau ou sur diapositive de façon à ce que l’étudiant en conserve des traces écrites;
  • Prévoir de la variété dans les travaux exigés afin de permettre à tous les étudiants de faire la preuve de leurs compétences et de leurs forces (vidéo, dessin, présentation orale, affiche, etc.).

En contexte d’examen, les accommodements peuvent prendre plusieurs formes :

  • Ajout de temps à la durée habituelle accordée pour la passation des examens (15 à 50 % plus de temps);
  • Possibilité d’effectuer l’examen dans un local tranquille;
  • Possibilité d’utiliser ordinateur muni d’un correcteur de texte pour effectuer l’examen;
  • Accès à un accompagnateur qui lit les questions des examens à voix haute et qui, à la fin de l’examen, signale les erreurs de syntaxe;
  • Possibilité d’effectuer un examen oral ou un examen maison à la place d’un examen standard;
  • Si possible, déduction de peu de points pour l'orthographe et la grammaire;
  • Accès à des aides technologiques (logiciel de lecture, correcteurs orthographiques et grammaticaux).

 

À cet égard, Wolforth et Roberts (2010) indiquent que « parce qu’elle permet de compenser les limitations des étudiants ayant un trouble d’apprentissage, plusieurs chercheurs estiment que la technologie [les logiciels généraux et spécialisés, les textes numérisés, les logiciels de planification et d’organisation, etc.] est un aspect important de la réussite scolaire » (p. 24)

Bien que ce soit aux professeurs de déterminer le contenu et le format des examens en lien avec les spécificités de leurs cours, les accommodements nécessitant l’ajout de ressources spécifiques (ajout de temps, ordinateur, logiciel, etc.) sont mis en place en collaboration avec les personnes ressources des services aux étudiants de l’établissement. Ce sont généralement les services aux étudiants en situation de handicap des universités qui assument la gestion de ces accommodements.

Finalement…

Les questions complexes soulevées par la présence d’étudiants ayant des besoins particuliers soulignent la nécessité que l’université installe un espace de dialogue permettant aux étudiants, aux professeurs et au personnel des services qui aident ces étudiants de se donner les moyens d’imaginer les réponses les mieux adaptées à leur réalité.

Références

Dubois, M. et Roberge, J (2010). Troubles d’apprentissage : pour comprendre et intervenir au cégep

Philion, R. (2010). L’accompagnement des étudiants ayant un trouble d’apprentissage en milieu universitaire : émergence d’un point de rupture entre les besoins individuels et collectifs. Dans M. Cifali, M. Bourassa et M. Théberge (dir.), Accompagner : une éthique clinique. Paris : l'Harmattan.

Wolforth et Roberts. (2010). La situation des étudiantes et étudiants présentant un trouble d’apprentissage ou un trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité qui fréquentent les cégeps au Québec : ce groupe a-t-il un besoin légitime de financement et de services ? Résumé d’une étude. Québec : ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport.

D'autres questions à explorer

  • Quelle est la place des technologies de l’apprentissage dans la formation des étudiants ayant un trouble d’apprentissage en contexte postsecondaire?
  • Comment maximiser la collaboration entre les différents acteurs du milieu ?

Notices biographiques

Ruth Philion est professeure en adaptation scolaire à l’Université du Québec en Outaouais (UQO). Elle est chercheuse à la Chaire Interdisciplinaire de Recherche en Littératie et Inclusion (CIRLI). Ses principaux thèmes de recherche sont les suivants:

  • Persévérance scolaire
  • Accompagnement d'étudiants à risque d'échec
  • Accompagnement d'étudiants en situation de handicap
  • Différenciation pédagogique
  • Mentorat étudiant en contexte universitaire
  • Recherche collaborative

​Martine De Grandpré est conseillère pédagogique et doctorante en éducation à l'Université du Québec en Outaouais (UQO). 

Mentions de responsabilité

Cette capsule est une production de la Direction du soutien aux études et des bibliothèques (DSEB) en collaboration avec le Groupe d’intervention et d’innovation pédagogique (GRIIP)

Comité éditorial : François Guillemette, Céline Leblanc, Marie-Michèle Lemieux, Caroline Lessard et Lucie Charbonneau

Coordination : Lucie Charbonneau

Rédaction : Ruth Philion et Martine De Grandpré

Correction : Isabelle Brochu et Dominique Papin