La rétroaction par les pairs en enseignement supérieur

Article

Nicol, D., Thomson, A., et Breslin, C. (2014). Rethinking feedback practices in higher education: A peer review perspective. Assessment & Evaluation in Higher Education, 39(1), 102-122. https://doi.org/10.1080/02602938.2013.795518

Résumé

Définissons tout d’abord l’évaluation et la révision par les pairs, tel que précisé dans le premier article, Rethinking Feedback Practices in Higher Education : A Peer Review Perspective. Pour Nicol, Thomson et Breslin, il s’agit d’un processus où les étudiants évaluent et portent un jugement sur le travail de leurs collègues, et rédigent une rétroaction écrite. Ce processus implique que les étudiants produisent et reçoivent de la rétroaction pour et par leurs pairs.

Les auteurs de cet article soulignent des bénéfices d’apprentissage identifiés à travers différents travaux de recherches en ce qui concerne la réception de rétroactions entre pairs, notamment celles de Topping (1998) et Falchikov (2005) qui indiquent qu’elle est souvent perçue de la part des étudiants comme étant plus facile à comprendre et utile que la rétroaction des enseignants. Tel que soulignée par Topping (1998), il appert que lorsque plusieurs pairs sont impliqués dans la révision et l’évaluation, la quantité et la variété des rétroactions est supérieure, tandis que Cho et MacArthur (2010), dans Nicol, Thomson et Breslin (2015) rapportent que lorsque les étudiants ont reçu de la rétroaction de la part de plus d’un de leurs pairs, ils ont davantage amélioré la qualité de leur travail initial (premier jet soumis) que lorsqu’ils n’ont eu qu’une seule rétroaction de la part d’un pair ou de l’enseignant. Nicol, Thomson et Breslin (2015) indiquent également que la plupart de recherches se sont intéressées aux bénéfices d’apprentissage reliés à la réception de rétroactions de la part de pairs, telles celles de Topping (1998) et Falchicov (2005), mais peu ont investigué les bénéfices d’apprentissages pour les étudiants qui révisent, évaluent et rédigent de la rétroaction pour leurs pairs, et tout particulièrement, la nature des apprentissages réalisés.

  1. Quelles sont les expériences et les attitudes des étudiants à l’égard de l’évaluation par les pairs en général ?
  2. Quelles sont les perceptions des étudiants à l’égard des bénéfices d’apprentissage associés aux différentes composantes du processus d’évaluation par les pairs, soit donner et recevoir de la rétroaction, et comment ces processus influencent leur propre travail à remettre ?
  3. Quels sont les processus mentaux utilisés par les étudiants lorsqu’ils évaluent les travaux de leurs pairs et rédigent les rétroactions ?

Les sujets qui ont fait partie de l’étude sont un groupe de 82 étudiants de première année en génie à l’Université de Stranthclyde, à Glasgow en Écosse. Le travail demandé est un projet de recherche et de conception comprenant un devis de spécification de produit, ainsi que le design détaillé du produit, nommé PDS (Product Design Specification) dans l’article. Il s’agit d’une tâche individuelle, qui s’avère complexe et de nature authentique de l’ingénieur.

Tous les étudiants devaient remettre une première version de leur travail, et chaque étudiant révisait le travail de deux de leurs collègues à partir des critères d’évaluation soumis par l’enseignant et de questions facilitant la rédaction de la rétroaction, par exemple : « Considérez-vous que le PDS est complet selon les éléments à couvrir ? Si non, pouvez-vous faire des suggestions d’éléments qui contribueraient à améliorer la qualité du PDS et expliquez pourquoi ils sont importants. ». Les étudiants pouvaient ensuite faire toutes les modifications souhaitées avant de soumettre leur version finale à l’enseignant.

Le taux de participation aux activités de révision a été élevé puisque que 62 des 82 étudiants ont réalisé les trois étapes de révision, soit les deux évaluations de leurs pairs et une autoévaluation et la révision de leur propre travail avant de le soumettre en version finale.

Un questionnaire en ligne comprenant 21 items a été proposé aux étudiants suite à l’activité d’évaluation par les pairs, dont treize énoncés portant sur les trois questions de recherche selon une échelle d’appréciation de type Likert à cinq niveaux, et huit questions ouvertes permettant aux étudiants d’émettre leurs commentaires. Au total, ce sont 64 des 82 étudiants qui ont rempli le questionnaire anonyme, pour un taux de participation de 78 %.

Par la suite, des groupes de discussion ont été organisés visant à approfondir les commentaires recueillis à partir des questions ouvertes du questionnaire, mais surtout, afin d’avoir une meilleure compréhension de leur processus mental lors de la révision et la rédaction de la rétroaction à soumettre à leurs pairs, soit la troisième question de recherche.

Les résultats quant à l’attitude des étudiants : 86 % des étudiants ont confirmé que l’activité avait été positive pour eux, 76 % choisiraient définitivement d’y participer à nouveau, et ce bien que cette expérience était nouvelle pour 55 % des répondants. Parmi les répondants, 53 % ont qualifié les commentaires reçus de leurs pairs d’excellents ou très bons.

Les résultats quant au point d’intérêt central de cette recherche, soit les apprentissages réalisés suite à la rédaction et la réception de rétroactions de la part des pairs, s’avèrent également très intéressants :

  • Parmi les répondants, 93% considèrent qu’ils ont réalisé des apprentissages par ce processus d’évaluation par les pairs, dont 55 % des répondants autant en donnant qu’en recevant de la rétroaction ;
  • Au total, 76 % ont indiqué avoir modifié leur travail suite aux rétroactions, soit données, soit reçues, et que cette démarche les a aidés à apprendre. Les étudiants considèrent également que les changements apportés à leur version finale sont des améliorations ;
  • Parmi les répondants, 15 % ont également mentionné que l’exercice leur a appris à développer leur jugement critique et à regarder le travail de leurs collègues dans une perspective d’évaluateur.

Les résultats de cette étude semblent indiquer que réviser le travail de collègues et émettre des rétroactions amène les étudiants à poser et à développer un regard critique sur le travail d’autrui.  De plus, un processus de comparaison s’établit et amène une réflexion critique sur leur propre travail, et leur permet de réaliser des apprentissages importants.

Cette étude nous amène à considérer de nouvelles perspectives de bonnes pratiques en évaluation en enseignement supérieur en permettant aux étudiants de devenir des parties prenantes du processus d’évaluation en révisant et en offrant de la rétroaction à leurs pairs. Les auteurs soulignent que d’autres recherches sont nécessaires sur l’évaluation par les pairs, notamment en ce qui concerne les expériences, les perceptions et les réponses aux diverses activités mises en place afin d’impliquer les étudiants dans la démarche d’évaluation de leurs pairs.

Références

Berthiaume, D., et Rege-Colet, N. (2013). La pédagogie de l'enseignement supérieur : repères théoriques et applications pratiques. Tome 1 : Enseigner au supérieur. Berne, Suisse : Peter Lang.

Legendre, R. (2005). Dictionnaire actuel de l'éducation (3e éd.). Montréal, Canada : Guérin.

Nicol, D. (2010). From monologue to dialogue : improving written feedback in mass higher education. Assessment & Evaluation in Higher Education, 35(5), 501-517. https://doi.org/10.1080/02602931003786559

Nicol, D., Thomson, A., et Breslin, C. (2014). Rethinking feedback practices in higher education: A peer review perspective. Assessment & Evaluation in Higher Education, 39(1), 102-122. https://doi.org/10.1080/02602938.2013.795518

Notice biographique

Notice-bio_C.BoucherŒuvrant dans le monde de l’éducation depuis plus de 25 ans, Claude Boucher est conseillère en pédagogie universitaire et chargée de cours en sciences de l’éducation à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT) depuis 2007. Ses champs d’intérêt portent notamment sur l’évaluation des apprentissages, la scénarisation pédagogique, la pratique réflexive et le partage d’expertise.

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