Motivation et engagement des étudiants : quelques incidences pédagogiques

Dans ce numéro, Denis Bédard, professeur titulaire à la Faculté d’éducation de l’Université de Sherbrooke, porte la réflexion vers les pratiques à déployer en contexte pédagogique pour soutenir la motivation et l'engagement des étudiants universitaires afin de favoriser leur apprentissage.

Mise en situation

Raymond est professeur à la Faculté des sciences de l’éducation d’une université québécoise. Il est titulaire du cours « Fondements psychologiques de l’apprentissage » (45 étudiants) et il supervise les activités de stage de dix étudiants qui sont à la dernière session de la formation. Dans son cours, Raymond présente, sous forme d'exposés magistraux, les théories qui lui paraissent les plus importantes pour des étudiants inscrits dans une formation en enseignement au secondaire.
Or, il est fréquent que des collègues du professeur Raymond lui rapportent que de nombreux étudiants ne retiennent que très peu de connaissances consécutivement à la réussite de son cours, peu importe la note obtenue. Bien que ces commentaires déçoivent le professeur Raymond sur le plan professionnel, ils ne l’étonnent pas. Il a l’impression que les étudiants fréquentent son cours uniquement parce qu’il est obligatoire dans le cursus de formation. Son hypothèse repose notamment sur le fait que, selon lui, la plupart des étudiants gèrent leur engagement sur le principe « mini-max », c’est-à-dire fournir le minimum d’effort en vue d’obtenir le maximum de points. Ces constats amènent le professeur Raymond à s'interroger sur l'environnement pédagogique qu'il devrait créer afin d'influer plus significativement sur la motivation des étudiants à s'engager davantage dans son cours.

Pourquoi?

CINQ RAISONS DE S’INTÉRESSER À LA MOTIVATION ET À L’ENGAGEMENT DES ÉTUDIANTS

  1. Agir sur la motivation des étudiants, c’est agir sur leur engagement et leur persévérance et, ultimement, leur réussite académique.
  2. La motivation est un facteur primordial à la réussite scolaire (Vezeau et Bouffard, 2009).
  3. L’engagement des étudiants en classe et dans leurs études est, d’une part, expliqué par la qualité de la relation qu’ils ont avec leurs enseignants (Svinicki et McKeachie, 2014) et, d’autre part, expliqué par la perception qu’ils ont de la valeur du cours ou du programme auquel ils sont inscrits (Bédard et al., 2012).
  4. Les étudiants indiquent être motivés à l’entrée des études (1er cycle), mais plus ils avancent dans leurs études, moins ils se sentent motivés (Viau, 2009).
  5. La gestion du temps et les stratégies d'organisation des étudiants distinguent ceux qui persévèrent et réussissent de ceux qui éprouvent des difficultés (Dauphinais, Rousseau et St-Vincent, 2016).

Quoi?

UNE DÉFINITION DE LA MOTIVATION ET DE L’ENGAGEMENT DES ÉTUDIANTS

Motivation = En contexte d’apprentissage, elle « est un état dynamique qui a ses origines dans les perceptions qu’un étudiant a de lui-même et de son environnement et qui l’incite à choisir une activité, à s’y engager et à persévérer dans son accomplissement afin d’atteindre un but » (Viau, 2009, p. 7). Les trois perceptions déterminantes  chez l’étudiant sont selon Viau (2009) : la valeur d’une matière ou d’une tâche, la contrôlabilité (face aux tâches) et sa compétence (à accomplir la tâche).
Engagement = La capacité d’investir du temps et des efforts sur la durée du programme de formation (Bédard et al., 2012). L’engagement implique le déclenchement de l’action et la participation active (Parent, 2014). Il existe trois types d’engagement : affectif, comportemental et cognitif.

Ce que nous dit la recherche

image vol9 no4DEUX MOTEURS DE L’APPRENTISSAGE

Motivation
Pour motiver les étudiants, il importe de créer les conditions favorables à l’apprentissage (Viau, 2009) .

Engagement
L’engagement d’un étudiant est élevé s’il a une perception de contrôle sur les activités d’apprentissage et une perception positive de sa compétence, c’est-à-dire que les activités d’apprentissage offrent un défi à la hauteur de ses habiletés (Viau, 2009).

Comment?

DES PRATIQUES POUR SOUTENIR LA MOTIVATION ET L’ENGAGEMENT DES ÉTUDIANTS

En soutien à la motivation
Selon Snowman et McCown (2015) :

  • Les étudiants apprécient davantage les activités d’apprentissage et ont de meilleures performances lorsqu’ils sont intrinsèquement motivés, plutôt qu’extrinsèquement.
  • Des buts à court terme (proximaux), spécifiques et offrant un défi modéré augmentent davantage la motivation que des buts à long terme (distants), généraux et qui offrent un défi trop important.

À l’entrée dans un cours ou une formation, l’enjeu est moins de tenter de « motiver les étudiants » que de maintenir leur motivation initiale.
Ainsi, il importe de :

  • Faire en sorte de rendre cohérentes les mesures de maintien de la motivation du début à la fin d’ un cours ou d’un programme.
  • Mettre en place des pédagogies innovantes et actives qui invitent davantage les étudiants à « apprendre par la mise en pratique » (perception de sa compétence). Exemples : apprentissage par problèmes (APPr), approche par projets (APPj), codéveloppement, classes inversées, etc.
  • Proposer des activités d’apprentissage qui favorisent l’ancrage des apprentissages dans un contexte professionnel ou pratique afin d’augmenter la motivation des étudiants (perception de la valeur de ce qu’ils apprennent).
  • Aider les étudiants à voir et à comprendre pourquoi le contenu du cours est important.
  • Offrir des choix (perception de contrôlabilité) aux étudiants : les laisser choisir, en partie, le ou les travaux qui seront évalués, les laisser choisir le sujet du travail, les laisser choisir une ou des questions à l’examen.

Enfin, il importe d’illustrer comment vous êtes capable d’agir avec compétence pour les tâches que les étudiants doivent réaliser. Concrètement:

  • Demander aux étudiants de proposer un ou des problèmes à résoudre dans votre discipline ou domaine.
  • Devant le groupe, prendre connaissance du problème à voix haute, comme si vous étiez seul. Partager, votre processus de pensées, le traitement que vous faites des informations reçues. À titre d’exemples, mentionnons : 1) présenter des cas de figure issus du quotidien des étudiants ou de leur intérêt, 2) établir des analogies ou des métaphores avec des domaines qui les intéressent, ou 3) s'offrir comme modèle expert, c’est-à-dire faire devant eux chaque étape qu'on leur demande de franchir et énoncer les stratégies que l’on utilise.
  • Montrer que vous êtes capable de vous questionner, de formuler des hypothèses, d’envisager plusieurs options, d’analyser et de comparer différents éléments, etc.
  • Si vous êtes devant une impasse, revenir sur vos pas et prendre une autre voie, proposer des pistes de solution.
  • Demander aux étudiants d’en discuter et de proposer leurs solutions.

Le modèle de rôle est une occasion rare pour les étudiants d’avoir accès à vos stratégies d’experts ou de spécialistes. Ce faisant, vous les outillez et favorisez leur perception de compétences.

En soutien à l’engagement
Considérant que le meilleur prédicteur de l’engagement dans un programme d’études est le soutien offert aux étudiants, par les pairs, par les enseignants ou par le programme, car il est associé à une diminution du stress perçu (Bédard et al., 2012), il importe de :

  • Rehausser les possibilités de contrôle sur les activités offertes pour développer une perception positive de sa compétence.
  • Proposer des tâches correspondant au niveau d’habiletés des étudiants, de l’avancement du cours, du développement des apprentissages ou des compétences des étudiants.
  • Fournir des grilles d’autoévaluation pour permettre aux étudiants d’apprécier leurs propres « performances » et ainsi favoriser le développement de leur autonomie.

Finalement, les facteurs qui affectent la motivation et l’engagement de nos étudiants sont déterminants pour la persévérance et la réussite académique.

Références

Bédard, D., Lison, C., Dalle, D., Côté, D.J. et Boutin, N. (2012). Problem-based and project-based learning in engineering and medicine: Determinants of students’ engagement and persistence. Interdisciplinary Journal for Problem-Based Learning, 6(2), 7-30, http://dx.doi.org/10.7771/1541-5015.1355
Dauphinais, N., Rousseau, N. et St-Vincent, L.-A. (2016). Des étudiants ayant un trouble d’apprentissage associé à un trouble déficitaire de l’attention : Possèdent-ils le bagage de stratégies pour réussir à l’université ? Éducation et francophonie, 44(1), 46‑72. https://doi.org/10.7202/1036172ar
Parent, S. (2014). De la motivation à l’engagement : un processus multidimensionnel lié à la réussite de vos étudiants. Pédagogie Collégiale, 27(3), 13-16.
Snowman, J. et McCown, R. R. (2015). Psychology applied to teaching (14e Ed.). Stanford, CT: Cengage Learning.
Svinicki, M.D. et McKeachie, W.J. (2014). McKeachie’s teaching tips. Belmont, CA: Wadsworth, Cengage Learning.
Vezeau, C. et Bouffard, T. (2009). Étude longitudinale des déterminants affectifs et motivationnels de la persévérance et de l’engagement dans ses études collégiales. Joliette, Canada : Rapport de recherche PAREA. Recupéré de : https://cdc.qc.ca/parea/787269-vezeau-bouffard-determinants-affectifs-m…
Viau, R. (2009). La motivation à apprendre en milieu scolaire. Montréal, Canada : Pearson-ERPI.

Pour en savoir plus

La direction de l’apprentissage et de l’innovation pédagogique de HEC Montréal propose :

Le blogue L’éveilleur de l’Université de Sherbrooke suggère un billet sur « La distinction entre motivation et engagement : https://leveilleur.espaceweb.usherbrooke.ca/27733/la-distinction-entre-motivation-et-engagement/

En complément, visionnez le webinaire du GRIIP Motivation et engagement des étudiants : données de la recherche et incidences pédagogiques offert par Denis Bédard (2017) : http://pedagogie.uquebec.ca/webinaires/motivation-et-engagement-des-etudiants-donnees-de-la-recherche-et-incidences

À lire:

Viau, R. (2009). L’impact d’une innovation pédagogique : au-delà des connaissances et des compétences. In D. Bédard et J.-P. Béchard (dir.), Innover dans l’enseignement supérieur (p. 183-198). Paris : Presses Universitaires de France.

D'autres questions à explorer

  • Le travail en groupe ou en équipe prend de plus en plus de place dans le parcours d’apprentissage des étudiants. Quelle est son incidence sur la motivation et l’engagement des étudiants ?
  • Les TICE et le numérique proposent des modalités d’apprentissage qui bousculent les habitudes d’apprentissage des étudiants ; ces pratiques ont-elles une incidence sur la motivation et l’engagement des étudiants ?
  • Comment les offres de formation en ligne ou à distance influent-elles sur l’engagement des étudiants ?

Notice biographique

Denis Bédard est professeur titulaire à la Faculté d’éducation de l’Université de Sherbrooke.Ses travaux portent principalement sur l’innovation pédagogique et curriculaire, de même que sur l’enseignement et l’apprentissage en enseignement supérieur. Il a également publié plusieurs articles sur les effets de l’apprentissage par problèmes et de l’approche par projets chez les étudiants et les professeurs de programmes de formation professionnalisante. Il a codirigé l’ouvrage « Innover dans l’enseignement supérieur », paru en 2009 aux Presses Universitaires de France.

Mentions de responsabilité

Cette capsule est une production de la Direction du soutien aux études et des bibliothèques (DSEB) en collaboration avec le Groupe d’intervention et d’innovation pédagogique (GRIIP)
Comité éditorial : Claude Boucher, François Guillemette, Alain Huot, Céline Leblanc et Chantal Roussel
Coordination : Karine Vieux-Fort et Marie-Michèle Lemieux
Rédaction : Denis Bédard
Correction : Isabelle Brochu et Dominique Papin

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