Favoriser l’expression de la motivation chez les étudiants

Vous enseignez et vous voyez du coin de l'oeil des étudiants pratiquement endormis sur leur bureau. Vous vous demandez "Mais qu'est-ce qui peut bien les motiver à être ici? Pourquoi suivent-ils ce cours?" Vous trouverez certainement des informations utiles pour mieux répondre à ces questions dans le dernier numéro de l'année 2012-2013 qui a été conçu par François Guillemette, professeur, et Céline Leblanc, conseillère pédagogique, tous deux de l'UQTR. Ils vous présentent quelques pistes pour mieux comprendre et Favoriser l’expression de la motivation chez les étudiants. Un atout à ne pas négliger pour vos cours d'été, lorsque le soleil brille dehors, ou pour la session qui débutera en septembre!

Mise en situation

Isabelle est professeure à l’université depuis déjà plus de dix ans. Son expérience lui a permis de constater qu’il est primordial de comprendre la motivation de ses étudiants pour être en mesure de la soutenir.

Au début de la session d’automne, elle remarque que Jérémie, un de ses étudiants, somnole souvent dans ses cours. À la mi-session, elle décide d’avoir une conversation ouverte avec lui au lieu de lui reprocher son manque de motivation. Elle découvre alors que cet étudiant a des troubles du sommeil et a besoin d’une courte sieste à deux ou trois reprises dans la journée. Elle s’entend avec lui pour que ce besoin puisse être assouvi et ainsi ne pas nuire à l’expression des motivations profondes qui le poussent à poursuivre ses études.

À un autre moment, elle demande à ses étudiants ce qui les a amenés à choisir leur programme universitaire et Pierre-Luc lui répond que ce sont les salaires élevés. Au lieu de juger négativement cette motivation, elle félicite Pierre-Luc en lui disant que la sécurité financière est importante et elle en profite pour lui demander quelles sont les autres raisons, plus profondes, qui l’ont amené à choisir sa profession.

En permettant l’expression des différentes motivations plus superficielles, les enseignants comme Isabelle favorisent aussi l’expression de la motivation la plus profonde qui correspond à la motivation intrinsèque.

Pourquoi?

CINQ RAISONS POUR FAVORISER L’EXPRESSION DE LA MOTIVATION CHEZ LES ÉTUDIANTS

  1. La motivation est un moteur qui fait progresser l’apprentissage.
  2. La motivation est toujours présente, mais doit être exprimée pour bien jouer son rôle de moteur.
  3. L’expression de la motivation constitue une meilleure prise de conscience et donc une meilleure régulation de cette motivation.
  4. Il existe plusieurs types de motivation; certains favorisent plus l’apprentissage que d’autres.
  5. L’enseignant a en main des leviers pour favoriser ou, au contraire, nuire à l’expression de la motivation des étudiants.

Quoi?

VERS UNE DÉFINITION DE LA MOTIVATION EN CONTEXTE SCOLAIRE

Maslow définit la motivation en rappelant que chaque individu porte en lui une poussée vers l’accomplissement du meilleur de lui-même. L’apprentissage constitue une attraction qui correspond à cette poussée. La motivation profonde de l’accomplissement du meilleur de soi peut être bloquée par des motivations plus superficielles. Les différents niveaux de motivation, du plus superficiel au plus profond, sont : motivation à la survie, motivation à la sécurité, motivation à la reconnaissance de ses compétences, motivation aux relations interpersonnelles positives et motivation à l’accomplissement de soi dans l’engagement social. De plus, selon Maslow, c’est toujours la motivation la plus profonde qui s’exprime dans les motivations plus superficielles, par exemple, la faim est une motivation à la survie, mais parce que la survie est nécessaire à l’accomplissement de soi (Maslow, 2008; Corneau, 2007).

Deci et Ryan (1985) distinguent la motivation intrinsèque et la motivation extrinsèque. En contexte scolaire, la motivation intrinsèque correspond à une attirance pour l’apprentissage comme tel et la motivation extrinsèque correspond à ce qui est extérieur ou en marge de l’apprentissage, par exemple les bonnes notes ou la bonne réputation.

Selon Viau, la motivation en contexte scolaire est « un état dynamique qui a ses origines dans les perceptions qu’un élève a de lui-même et de son environnement et qui l’incite à choisir une activité, à s’y engager et à persévérer dans son accomplissement afin d’atteindre un but ». (Viau, 2007, p.7)

Ce que nous dit la recherche

motivation

Comment?

LES MOYENS D’ACTION DE L’ENSEIGNANT POUR FAVORISER L’EXPRESSION DE LA MOTIVATION CHEZ LES ÉTUDIANTS

Accueillir positivement l’expression des motivations à la survie et à la sécurité :

Il y a souvent des moyens très simples de répondre aux motivations qui sont de l’ordre de la faim (par exemple de glucides ou de sucre) et du sommeil. De même, il est facile pour un enseignant de favoriser l’expression de la motivation à la sécurité en demandant simplement aux étudiants d’exprimer leurs inquiétudes au début d’un cours et d’exprimer ce qu’ils considèrent comme des noyaux de difficulté pour eux. En réaction à cette expression, l’enseignant rassure les étudiants, notamment en leur expliquant qu’ils vont avoir le soutien et les moyens nécessaires à la réussite du cours et qu’ils ont sûrement la volonté de faire les efforts nécessaires à cette réussite.

Établir des relations positives et des relations de reconnaissance :

Dans la même perspective que celle qui précède, l’enseignant établit et maintient des relations avec les étudiants empreintes de respect et de valorisation de leurs bons coups. On peut, par exemple, relever lors d’une prise de parole que la question posée est une bonne question ou souligner les points positifs d’une intervention ou d’un travail. Il s’agit pour l’enseignant de régulièrement souligner aux étudiants leur fonctionnement positif en classe et leur engagement dans les activités.

Dans cet ordre d’idées, il est important que l’étudiant perçoive qu’il a un « contrôle sur la tâche ». Non seulement il doit vivre des réussites dans ses apprentissages, mais il doit également attribuer ses réussites à l’efficacité de ses stratégies et à ses efforts. L’enseignant peut jouer ici un rôle déterminant en identifiant les stratégies efficaces et en aidant l’étudiant à les identifier lui-même et à les exprimer. De plus, en tant que figure d’autorité, l’enseignant a une grande influence sur la perception qu’a l’étudiant de l’efficacité de ses stratégies et de l’importance de ses efforts. En ce sens, l’enseignant doit poser les gestes suivants :

  • donner une rétroaction qui souligne les forces de l’étudiant et les défis à relever;
  • proposer des activités complexes et variées afin que les expériences de réussite soient nombreuses et diversifiées;
  • inclure une certaine flexibilité dans les consignes d’exécution de la tâche, par exemple dans le choix du thème d’un travail, du matériel à utiliser, du mode de présentation des réalisations, etc., afin de laisser le plus possible de contrôle à l’étudiant.

Ainsi, l’étudiant développe de plus en plus la perception de ses compétences personnelles par rapport aux tâches qui lui sont proposées et cette perception positive influence son investissement et sa persistance dans la tâche, donc sa motivation. Cette perception est influencée, entre autres, par les expériences antérieures, mais également par les rétroactions fournies par l’enseignant. Par conséquent, l’enseignant qui veut favoriser ce type de motivation :

  • invite l’étudiant à activer ses connaissances antérieures et met ainsi en lumière les ressources dont il dispose pour accomplir la tâche;
  • propose des activités qui ne sont ni trop difficiles ni trop faciles;
  • favorise la collaboration entre les étudiants plutôt que la compétition;
  • souligne souvent les réussites;
  • propose des moyens pour développer les compétences et assiste chaque étudiant dans sa prise de conscience de l’efficacité des stratégies cognitives et métacognitives qu’il utilise (autoquestionnement, organisation des idées en réseau, identification d’objectifs, etc.).
Favoriser l’expression de la motivation intrinsèque :

Le plus important est que, lorsqu’il donne la chance aux étudiants de prendre conscience et de partager le sens et les valeurs qu’ils accordent à la tâche liée à leur apprentissage, l’enseignant fait appel à l’expression des motivations les plus profondes, c’est-à-dire celles qui fournissent l’énergie psychologique nécessaire à l’engagement, à l’effort et à la persévérance. Un bon moyen, pour l’enseignant, de favoriser l’expression de la motivation intrinsèque est de partager aux étudiants sa propre motivation intrinsèque, son engagement profond dans la profession et sa passion pour les contenus qu’il enseigne. Il semble que la motivation intrinsèque soit contagieuse.

Références

Corneau, G. (2007). Le meilleur de soi. Montréal : Éditions de l’Homme.

Deci, E. L. et Ryan, R. M. (1985). Intrinsic motivation and self-determination in human behavior. New York : Plenum Press.

Maslow, A. (2008). Devenir le meilleur de soi-même. Paris : Eyrolles.

Viau, R. (2005). La motivation en contexte scolaire. Bruxelles : De Boeck Université.

Pour en savoir plus

  • Des conditions à respecter pour susciter la motivation des élèves par Rolland Viau.
  • Le sentiment de responsabilité pour motiver les étudiants à distance sur Thot Cursus.
  • La motivation des étudiants : la comprendre, la susciter, la maintenir, outils d’animation pour monter un atelier de formation pour les enseignants de niveau universitaire créés par l’équipe ECEM.
  • D’autres lectures sur ce thème :
    • Bandura, A. (1997). Self-efficacy. The Exercise of Control. New York : Freeman.
    • Carré, P. (Dir.). (2001). De la motivation à la formation. Paris : L'Harmattan.
    • Delannoy, C.( 2005). La motivation. Désir de savoir, décision d'apprendre. Paris: Hachette.
    • Elliot, A. et Dweck, C.S. (Dir.). (2005). Handbook of Competence and motivation. New York : Guilford.
    • Lieury, A. et Fenouillet, F. (1996). Motivation et réussite scolaire. Paris : Dunod.
    • Vianin P. (2007). La motivation scolaire. Bruxelles : De Boeck.
    • Viau, R. et Louis, R. (1997) « Vers une meilleure compréhension de la dynamique motivationnelle des étudiants en contextescolaire. » Canadian Journal of Education / Revue canadienne de l'éducation, Vol. 22, No. 2, pp. 144-157.
    • Vallerand, R. J. et Thill, E. E. (Éds). (1993). Introduction à la psychologie de la motivation. Laval : Études vivantes.
    • Weinert, F. E. et Kluwe, R. H. (Eds). (1987). Metacognition, motivation, and understanding. Hillsdale, NJ : Erlbaum.

D'autres questions à explorer

  • Comment aider les étudiants à prendre conscience de leurs forces et de leurs motivations intrinsèques?
  • Comment favoriser les expériences de réussite et la perception de sa compétence personnelle chez les étudiants?
  • Comment favoriser le contrôle de la tâche par les étudiants?

Notices biographiques

François Guillemette est professeur au Département des sciences de l’éducation à l’Université du Québec à Trois-Rivières et adjoint pédagogique au vice-décanat du Campus Mauricie de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal. À l'UQTR, il est codirecteur du Centre Interdisciplinaire de Perfectionnement Pédagogique et de Recherche en Enseignement Supérieur (CIPPRES), professeur responsable du programme d'accompagnement pédagogique des nouveaux professeurs, responsable de la communauté de pratique en pédagogie universitaire et responsable du mentorat interdisciplinaire en pédagogie universitaire. Docteur en éducation et docteur en théologie, ses projets de recherche en cours portent notamment sur le développement des compétences professionnelles en enseignement supérieur, sur l’utilisation de la méthodologie de la théorisation enracinée par les chercheurs francophones et sur la communication avec des personnes en situation de handicap. Il est aussi codirecteur de la revue "Approches inductives".

Après plusieurs années d’enseignement, Céline Leblanc a entrepris une carrière de conseillère pédagogique en technologie éducative à l’Université du Québec à Trois-Rivières où elle travaille depuis 5 ans. Dans le cadre de ses fonctions, elle s’intéresse particulièrement à la pédagogie en enseignement supérieur en présentiel. Entre autres, elle coordonne les activités pédagogiques et technopédagogiques offertes à l’UQTR et collabore à la communauté de pratique en pédagogie universitaire ainsi qu’à la formation des nouveaux professeurs et des nouveaux chargés de cours de son établissement.

Mentions de responsabilité

Cette capsule est une production de la Direction du soutien aux études et des bibliothèques (DSEB) en collaboration avec le Groupe d’intervention et d’innovation pédagogique (GRIIP)

Comité éditorial : Lucie Charbonneau, Alain Huot, Marie-Michèle Lemieux et Caroline Lessard 

Coordination : Lucie Charbonneau

Rédaction : François Guillemette et Céline Leblanc

Correction : Isabelle Brochu

Thème(s)